Vous êtes sur smartphone ?

Téléchargez l'application Le Regard Libre depuis le PlayStore ou l'AppStore et bénéficiez de notre application sur votre smartphone ou tablette.

Télécharger →
Non merci
Accueil » Les souvenirs à disposition des médiums artistiques
Littérature

Critique

Les souvenirs à disposition des médiums artistiques3 minutes de lecture

par Sofia Frosio
0 commentaire

Un délicieux sentiment naît lorsque l’on est face à une œuvre mariant littérature et cinéma. C’est ce que permet Oslo, de mémoire, à travers un voyage mémoriel dont l’auteur, Didier Blonde est coutumier.

Il y a de la magie quand un livre est adapté à l’écran, quand l’on se surprend à reconnaître une citation d’un ouvrage aimé, prononcée par un acteur. Quand les livres et les bibliothèques sont sublimées par le 7e art et prennent, subitement, une importance et une beauté centrales dans le cadre. Le cinéma et la littérature unis le temps d’une œuvre; c’est ainsi que se veut le dernier roman de Didier Blonde. Dans Oslo, de mémoire, un écrivain amoureux des films des années 1920 plonge dans son esprit et mêle enquête et vestiges de la mémoire, entre Oslo et Paris, sous le prisme de la littérature et du cinéma.

Une introspection mémorielle

Si l’on pense plonger directement dans un monde où les pellicules s’entremêlent aux plumes, on est quelque peu désappointé. Les cinquante premières pages jonglent entre une introspection que fait l’auteur de sa propre mémoire – et par effet papillon, de sa propre personne – et de ses réminiscences norvégiennes, et en particulier d’une femme, Inga: d’elle, il ne se souvient que par bribes et images floues. On sait ce que veut le narrateur (retrouver ses souvenirs, dans leur exactitude, les noms, les adresses, les dates et, par conséquent, se retrouver lui-même), mais on ne sait pas vraiment où il veut en venir, de telle sorte que l’on reste quelque peu sur notre faim. Néanmoins, l’incompréhension du lecteur pique sa curiosité.

Peu de littérature ou, plus généralement, d’art nous parvient de la Norvège, car c’est un terrain que le francophone explore trop timidement. Et pour preuve, quand une femme norvégienne contacte le narrateur pour lui proposer de réaliser en collaboration un documentaire autour d’une figure féminine emblématique du pays – qui plus est, ayant longtemps vécu à Paris –, elle est pour lui une parfaite inconnue. Pourtant, Cora Sandel est un peu ce que Jane Austen est aux Britanniques: une créatrice, dont les livres sont lus en abondance.

Et la caméra tourne

L’accord du narrateur pour le projet cinématographique l’amènera à baisser sa garde et ainsi dévoiler ses faiblesses et sa sensibilité. L’écrivain va se glisser dans la peau de l’écrivaine, en sillonnant les rues de la capitale sous le regard attentif de la caméra portée. Ainsi, la fusion des arts se fait: littérature et cinéma ne font plus qu’un. L’histoire de Cora Sandel est lue à travers le prisme cinématographique et l’auteur joue avec cet entrecroisement des médiums. Ces derniers n’ont pas de règles. Sommes-nous dans l’un ou dans l’autre? Cela n’a pas d’importance. Une porosité s’installe et le lecteur se laisse aller à ce charmant mélange. La nostalgie flotte au-dessus de cette collaboration, où les pensées et l’inachevé prennent le pas sur le projet initial. Se dévoile alors ce que Truffaut nommait «la beauté involontaire qui donne l’impression de ne pas en être responsable».

Quelle que soit la nature d’une œuvre, à son achèvement, quelque chose marque l’être humain et lui laisse forcément un goût. Amer, agréable, inoubliable. Souvent, l’on veut s’en imprégner. La puissance de tout art est là-dedans. Oslo, de mémoire, permet de ressentir l’ampleur de ce processus.

Après avoir passé au peigne fin les enseignes d’Oslo et de Paris, après avoir rencontré des femmes aux prénoms nordiques, celui que l’on rencontre vraiment est le narrateur. Et derrière lui, l’écrivain et la puissance de sa plume. Un passage dans sa mémoire et ses introspections personnelles permet enfin à notre mémoire personnelle d’être activée. Ce roman est un pont entre le passé et le présent, entre le cinéma et la littérature. Partout vivent les souvenirs. La mémoire les conserve, flous ou précis, photographiques. Et nous-mêmes y faisons face. Le roman, peu à peu, s’efface, et laisse place à notre panthéon mémoriel personnel.

Ecrire à l’auteure: sofia.frosio@leregardlibre.com

Vous venez de lire une critique publiée dans notre édition papier (Le Regard Libre N°110).

Didier Blonde
Oslo, de mémoire
Gallimard
Avril 202
4
160 pages

Vous aimerez aussi

Laisser un commentaire

Contact

Le Regard Libre
Case postale
2002 Neuchâtel 2

© 2024 – Tous droits réservés. Site internet développé par Novadev Sàrl