La Jurassienne est devenue un phénomène d’édition depuis qu’elle a décroché un prestigieux prix littéraire américain il y a près de deux ans. Sollicitée aux quatre coins du monde, elle fait étape en Suisse pour y présenter son nouveau roman Le Vieil Incendie.
Les lecteurs se succèdent sans discontinuer à la table de dédicace d’Elisa Shua Dusapin en ce samedi matin dans une librairie lausannoise. L’écrivaine franco-suisse a publié mardi dernier son quatrième roman Le Vieil Incendie aux éditions Zoé. Cette étape vaudoise figure dans l’interminable tournée de promotion qui va l’occuper en tout cas jusqu’à la fin de l’année.
Lors d’une brève pause dans sa rencontre avec le public, l’auteure de 31 ans qualifie l’accueil réservé à son dernier opus de «cadeau inespéré». «J’ai l’impression qu’à chaque nouveau livre, la réception est plus attendue, plus enthousiaste. Petit à petit, il y a une sorte de communauté du lectorat qui se constitue avec des gens qui vraiment attendent le prochain livre. Je découvre ce phénomène en même temps qu’eux et cela me donne beaucoup d’énergie pour assumer les innombrables dates de promotion», souligne-t-elle avec un sourire.
Des sollicitations toujours plus nombreuses
Les romans d’Elisa Shua Dusapin séduisent en effet un nombre croissant de lecteurs depuis la publication, en 2016, de Hiver à Sokcho. Mais le phénomène a pris une tout autre ampleur depuis que ce même livre a reçu, fin 2021, le National Book Award, l’une des distinctions littéraires les plus prestigieuses des Etats-Unis.
«Il y a énormément de traductions, donc je suis toujours plus sollicitée aux quatre coins du monde pour parler de mon travail, ce qui est passionnant», souligne d’une voix douce Elisa Shua Dusapin. L’écrivaine relève toutefois une contradiction entre cette exposition accrue et son ressenti personnel, elle qui se dit «toujours pétrie de doutes et de questionnements et toujours aussi exigeante vis-à-vis de [son] écriture, dans la grande solitude»: «il y a quelque chose d’assez étrange, un décalage entre le regard public et qui je suis», note-t-elle.
La nouvelle vie d’Elisa Shua Dusapin a également perturbé son processus d’écriture. Ce roman a en effet pris plus d’un an de retard, en raison de constantes sollicitations. La Jurassienne dit avoir besoin d’être dans une solitude presque totale pour se connecter à son monde intérieur. Elle a donc dû s’isoler pendant des mois pour pouvoir venir à bout de ce manuscrit.
Retour en Europe
Après trois livres consacrés essentiellement à l’Extrême-Orient, l’écrivaine a décidé de placer l’intrigue du Vieil Incendie dans le Périgord, la région où elle est née. L’auteure confie en effet avoir eu besoin de revenir à des personnages qui parlent français et se sentent légitimes de le faire. «Contrairement à moi qui ai un rapport très ambivalent avec ma langue d’écriture», admet-elle.
Le choix de ce décor hexagonal, elle l’a fait après une visite sur place en 2021. Selon elle, la décision s’est en fait imposée pour ce roman qui relate les retrouvailles de deux sœurs à la mort de leur père, après une quinzaine d’années d’éloignement. Elisa Shua Dusapin estime en effet qu’il y a un lien entre cette région dont l’histoire millénaire est profondément liée à la terre et son personnage principal, qui s’interroge sur ses origines et sur ce que signifie notamment la famille et la sororité.
Au terme de cette dédicace, Elisa Shua Dusapin a repris la route pour rencontrer d’autres lecteurs. Elle voyagera quasiment tous les jours en Suisse et en France durant cette fin d’année, avant de se lancer dans une tournée au Royaume-Uni, en Asie et aux Etats-Unis l’an prochain. «L’enjeu, à présent, est de garder du temps pour écrire, ce qui devient toujours plus compliqué», conclut-elle.
Ecrire à l’auteure: sandrine.rovere@leregardlibre.com
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Elisa Shua Dusapin
Le Vieil Incendie
Editions Zoé
2023
140 pages