Les lundis de l’actualité – Clément Guntern
Une véritable page de l’histoire sud-américaine se tourne. Après une conquête du pouvoir en 1959 contre le régime corrompu de Batista, le clan Castro a dominé le jeu politique de Cuba jusqu’à la semaine dernière. En effet, après avoir succédé à son frère Fidel en 2008, Raul Castro a, à son tour, cédé le pouvoir à un certain Miguel Diaz-Canel. Même si Cuba n’est pas un régime démocratique, plusieurs exemples nous ont montré que tout n’était pas toujours prévisible à Cuba et que l’élection de Diaz-Canel n’était pas forcément jouée d’avance.
Le nouveau président cubain consiste en un subtil mélange de nouveauté et de continuité. N’est-ce pas le propre des régimes autoritaires que de vouloir toujours se montrer attrayant tout en refusant quelque changement de fond que ce soit ? Normalement, il ne surprendra pas par ses réformes. Même s’il est le premier non-militaire à la tête de Cuba, il a tout de même reçu une formation militaire et a servi en Angola. De plus le nouveau président n’a même pas vécu la révolution cubaine dont il veut poursuivre l’œuvre. En somme, Diaz-Canel n’est pas le profil type du président cubain mais a gravi tous les échelons de la hiérarchie politique de l’île. Avec ce bagage mêlant nouveauté et continuité, il est légitime de se demander s’il pourra effectuer des changements dont Cuba a cruellement besoin.
D’autant plus qu’il n’aura pas forcément les coudées franches en matière de réformes. Car pour la première fois, le poste de président du Conseil d’Etat – le président de Cuba – n’ira plus de pair avec celui de président du parti communiste cubain. Cette dernière charge, Raul Castro la conservera jusqu’en 2021 si sa santé le lui permet. Un tel changement semble montrer que Castro désire toujours se mettre en position d’intervenir dans la politique cubaine et que les réformes que pourrait lancer Diaz-Canel seront surveillées et modérées.
Et les défis sont de taille ! Des réformes économiques lancées il y a quelques années, avec notamment l’ouverture au tourisme et l’autorisation de créer sa petite entreprise, ont fragmenté la société cubaine. Celle-ci, dans sa grande majorité, dépend des emplois d’Etat, mais désormais, les personnes travaillant dans le privé gagnent vingt à trente fois plus que cette partie de la population. Ces inégalités montantes ne sont pas du goût des Cubains, peuple extrêmement sensible aux différences économiques.
Finalement, le grand problème que pose la double monnaie doit être résolu, car il existe deux monnaie à Cuba : l’une convertible en dollars américains et fixée à celui-ci ; l’autre, une monnaie à usage interne. Ces deux monnaies vivant côte à côte sont également source d’inégalités pour les Cubains. La société perd petit à petit de son homogénéité et l’une des tâches de Miguel Diaz-Canel consistera à faire admettre aux habitants que les nouvelles inégalités sont là pour rester.
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