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L’unilatéralisme et les dangers de la méthode Trump5 minutes de lecture

par Clément Guntern
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Le Regard Libre N° 42 – Clément Guntern

Depuis les débuts de la politique étrangère des Etats-Unis sous l’ère Trump, un terme est revenu sur le devant de la scène: l’unilatéralisme. Celui-là même que le système international avait tenté de réduire et qui tend à reprendre sa place alors que les défis de notre monde globalisé pressent.

Sous le signe d’un déséquilibre ou d’un dysfonctionnement de la politique internationale, l’unilatéralisme reprend de la vigueur. Ce type d’action politique caractérise souvent la présence d’une nation quasi hégémonique. Des exemples nombreux tendent à souligner cet état de fait. Parmi eux, nous pouvons citer l’Espagne de Charles Quint, la France de Louis XIV, la Grande-Bretagne du XIXe siècle ou plus loin de nous la Chine impériale durant ses époques d’unification. Dans l’histoire européenne, jusqu’en 1648 en tout cas, chaque Etat agissait à sa guise sans suivre de règles communes autres que la coutume établie. A partir de cette date, celle des traités de Westphalie qui mirent fin à la guerre de Trente Ans, les premières règles à respecter entre Etats furent édictées.

Dès ce moment, la coopération entre Etats, au niveau du droit international comme de la coopération technique (santé, communications, etc.), ne fit que s’accroître en suivant le développement de l’interdépendance des nations aux niveaux économique, culturel ou commercial. Certains contrecoups eurent lieu tels que la Première Guerre mondiale et ses alliances secrètes, la période coloniale ou encore l’épisode napoléonien. Succédant à chaque période troublée, la coopération se révéla être la meilleure des solutions: le Congrès de Vienne après la défaite de Napoléon, la Conférence de Berlin sur le partage de l’Afrique – aussi inique soit-elle – ou le traité de Versailles qui accouche de la Société des Nations, tous ces exemples de rencontres et d’accords entre Etats ont permis une meilleure collaboration entre les nations. L’équilibre, autrement dit la paix, a été obtenu par des alliances entre des Etats et la coopération.

La méthode Trump

Toutes les périodes où l’unilatéralisme s’installe, d’autant plus lorsqu’une nation quasi hégémonique en prend le chemin, l’instabilité s’installe, l’injustice et les crises aussi. Depuis 1945, le multilatéralisme a fait de grands progrès, non seulement par l’idéal de paix qu’il véhicule mais aussi pour l’efficacité qu’il possède à résoudre les problèmes d’un monde de plus en plus globalisé. Pourtant, un nouveau cycle est sans doute à l’œuvre depuis quelques années avec le rejet dans certains pays et de certaines couches de la population au sein de la globalisation.

Depuis quelques années, l’unilatéralisme a progressé au point de concurrencer certaines fois le multilatéralisme, principalement depuis l’élection de Donald Trump. Le président américain en a même fait une promesse de campagne avec son «America first» et la mise en exergue, souvent aveugle, des soi-disant intérêts américains. Comment ne pas penser au retrait de l’accord de Paris sur le climat qui représente par excellence un problème auquel les Etats-Unis sont déjà confrontés et face auquel seule une réponse au niveau mondial serait adéquate? De même en ce qui concerne le commerce international, chose bien trop complexe pour être résolue à coup de taxes contre ses partenaires commerciaux et parfois même ses alliés.

Depuis le début de sa présidence, Donald Trump n’a eu de cesse de dénoncer le multilatéralisme et son corollaire, la globalisation. Dans ce combat, les alliés historiques et politiques n’ont de loin pas été ménagés. Jamais depuis 1945 les relations entre les Etats-Unis et l’Europe n’ont été aussi désastreuses: fractures diplomatiques notamment sur le dossier iranien, conflits commerciaux avec le Canada et l’Europe. La méthode Trump nous est déjà connue: une attitude agressive accompagnée de menaces fortes pour ensuite engranger des bénéfices à son seul profit.

Dans son action internationale, la Maison Blanche ne fait preuve d’aucune conception de responsabilité globale ou collective, ni d’alliance; l’unilatéralisme est à l’œuvre. La preuve en est que les Etats autrefois sujets internationaux deviennent des objets desquels Washington doit tirer profit et que les Etats-Unis, auparavant garants du système multilatéral, se considèrent désormais uniquement comme le pays le plus puissant, capable de faire plier n’importe qui.

Jusqu’à présent, le président Trump ne voit la politique extérieure que comme un moyen d’action sur la politique interne. Cette attitude provoque tous les effets mentionnés plus haut et explique l’unilatéralisme: l’intérêt national avant tout, couplé avec des démonstrations de force. On demande l’aide de ses alliés quand ils s’avèrent utiles – comme les frappes sur l’armée syrienne qui ont nécessité les soutiens français et anglais – mais on les agresse lorsqu’ils gênent.

La tradition américaine

Malgré ces fortes tensions, les Etats-Unis restent habitués à l’unilatéralisme. Des présidents comme Bush senior, Clinton et Obama l’ont pratiqué. Une panoplie d’instruments extraterritoriaux permettent depuis longtemps de déployer à l’étranger les intérêts de Washington et de faire plier les réticents. En effet, l’unilatéralisme américain s’exprime par l’extraterritorialité de son droit qui peut s’appliquer partout. Toute personne qui utilise le dollar comme monnaie d’échange peut être poursuivi aux Etats-Unis, toute entreprise qui compte parmi ses employés des Américains ou encore toute personne qui utilise des logiciels ou des composants américains. Ces instruments allouent au gouvernement de Washington de grands pouvoirs qui peuvent toucher beaucoup de monde.

De plus, il existe une convergence entre la justice et les services secrets ainsi que les services de sécurité qui permet, en cas de besoin, une déstabilisation ciblée. La coercition forte se concrétise par des amendes impressionnantes. Dès lors, comment ne pas voir ce système comme un racket organisé? Si les Etats-Unis usent depuis longtemps de ces méthodes, c’est bien parce qu’ils peuvent se le permettre; leurs assises économique et militaire constituent une véritable menace pour tous les Etats de la planète.

Face à cette attitude terrible d’injustice d’un pays, ô combien assez critiqué pour son statut paradoxal de chantre de la démocratie et d’Etat unilatéraliste, la seule réponse doit être la coopération des autres nations. Pourtant, cela ne suffira pas à donner une réponse forte en faveur du multilatéralisme. Les Européens ont donné, à leur habitude, la réponse du droit. Mais le droit sans puissance reste lettre morte. Si l’Union européenne compte tirer son épingle du jeu, il lui faudra réapprendre à s’imaginer et à se constituer en puissance face au retour de l’unilatéralisme et de l’hégémonie brute.

Ecrire à l’auteur: clement.guntern@leregardlibre.com

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