Alors que les dernières voix de la Seconde Guerre mondiale s’éteignent, ce jeudi 24 février 2022, les sirènes ont retenti à Kiev. Leurs ondes se sont propagées sur le sol européen, muant nos sonneries de réveil en un silence assourdissant. La guerre… Les nouvelles générations en Europe ont eu le privilège d’en être préservées. Ancrée dans l’imaginaire collectif comme un mirage lointain, elle a fini par revenir sur le continent. A l’aube d’un chapitre inédit de l’Histoire, le paroxysme des tensions internationales a été atteint, prédisant un avenir plus qu’incertain de ce conflit déjà nôtre. Notre revue de presse.
Jeudi 24 février, au matin. Le président russe Vladimir Poutine annonce officiellement le déclenchement d’une «opération militaire spéciale» en Ukraine via une déclaration télévisée surprise, dans laquelle il explique vouloir procéder à une «démilitarisation» de la nation voisine ainsi qu’à sa «dénazification».
L’Occident mesure l’ampleur de cette manœuvre inédite. Si le discours russe évite soigneusement d’employer un terme particulièrement belliqueux, la communauté internationale n’est pas dupe. Elle condamne une «invasion»; le président français choisit de la qualifier d’«attaque militaire massive» dans son allocution, citant le président ukrainien qui parle de «situation de guerre totale». Il ne s’agit pas là d’une simple opération militaire. Après de multiples transgressions, le véritable visage de la guerre de Poutine s’est dévoilé.
«Les enfants aussi ont compris que c’était la guerre»
Les sirènes d’alerte au bombardement retentissant dans de multiples villes ukrainiennes sonnent funestement le début d’une guerre. Les témoignages rapportés dans la presse internationale sont glaçants, tant par les images et les récits que par les détonations des bombardements sur les citoyens d’une nation lâchement ciblée pour l’exercice de sa souveraineté. «Avec ces explosions, les enfants aussi ont compris que c’était la guerre», titre le site d’information français Mediapart. Le ciblage des habitations civiles est abject, il bafoue l’humanité au cœur des foyers.
A 9h39, le jour même, la Radio Télévision Belge Francophone (RTBF) partage la nouvelle: l’espace aérien au-dessus de l’Ukraine et de la Moldavie est clôturé. La visualisation sur le site Flight Radar est saisissante. Le New Yok Times dresse un bilan accablant: plus de 70 cibles militaires ukrainiennes ont été détruites au cours de la journée. Le soir, le président ukrainien Volodymyr Zelensky annoncera 137 décès au sein du pays.
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Quand, au détour d’une allocution télévisée relayée par le quotidien Le Figaro avec l’AFP, le porte-parole du ministère de la défense russe, Igor Konachenkov, qualifie de succès le premier jour de cette «opération militaire spéciale», les citoyens ukrainiens sont meurtris.
Entre détresse et résilience à Kiev
A l’aube, le chef d’état a décrété la loi martiale. A la mi-journée, le quotidien anglo-saxon The Guardian diffuse l’appel à l’aide du ministère de la défense ukrainien à la communauté cyber: «La cybercommunauté ukrainienne! Il est temps de s’impliquer dans la cyberdéfense de notre pays», afin de soutenir par tous moyens la résistance naissante face à l’envahisseur russe. «Nous avons une armée [l’armée russe] présente sur notre sol, nous devons savoir ce qu’ils font.»
Le soir même, nous apprend l’AFP, le président Zelensky décrète la mobilisation générale, dans un délai de 90 jours pour ceux soumis à la conscription militaire et les réservistes.
C’est l’indignation collective que relaie le Kyiv Post via l’AFP. Le site ukrainien anglophone, à la ligne éditoriale pro-occidentale, recense les divers appuis à l’égard de sa nation. Les chefs d’état des différents pays occidentaux ont réagi à l’unisson, condamnant fermement l’agression russe en territoire ukrainien. Le premier ministre canadien Justin Trudeau dénonce une «violation de la souveraineté ukrainienne», le président américain Joe Biden prévient que «le monde tiendra la Russie pour responsable des morts et de la destruction».
Les différentes organisations internationales se joignent aux chefs d’Etat. Ainsi, le secrétaire d’état aux Nations Unies Jens Stoltenberg dénonce «une violation flagrante du droit international» et évoque «une menace grave pour la sécurité de l’OTAN». Les dirigeants occidentaux s’alignent en outre sur la question d’un déploiement terrestre sur le sol ukrainien pour venir en renfort à Kiev: aucun Etat ne l’envisage pour le moment.
Une riposte graduée
Le jeudi soir, l’Union européenne adopte une nouvelle série de mesures punitives envers la Russie, rapporte le quotidien français Libération. Additionnées aux premières sanctions entérinées mardi, elles marquent la gradation croissante de l’escalade des tensions. Leur but: «étouffer» Moscou en entravant son système financier, mais aussi en empêchant l’accès à des technologies cruciales et en stoppant les exportations liées aux industries aéronautiques et pétrolières. Les partenaires européens ont également décidé d’agir au plus vite pour une indépendance énergétique, qui affectera directement l’économie russe lorsqu’elle sera pleinement effective.
L’agence de presse allemande Reuters met en avant l’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui ont également arrêté des sanctions à l’égard de la Russie. Ainsi, le premier ministre australien Scott Morisson a qualifié «d’inacceptable» l’attitude de Pékin vis-à-vis de son partenaire russe. En effet, ce dernier pointe le manque de fermeté de la Chine. De plus, si le journal américain Washington Post rapporte que la porte-parole du ministère des affaires étrangères chinois a tenté de minimiser le soutien prêté à Moscou dans son offensive, il n’en demeure pas moins que la situation globale semble être plus que jamais propice à un rapprochement entre les deux pays. Pour le moment, la Chine joue un double-jeu: tantôt feignant la surprise quant à l’attaque de l’Ukraine et rappelant au cours du week-end passé que «la souveraineté de chaque pays doit être respectée, l’Ukraine ne faisant pas exception», tantôt accusant les Etats-Unis d’être les responsables du conflit actuel.
Vers une intervention de l’OTAN?
L’article 5 du traité de l’Atlantique Nord est un des plus célèbres. Ce dernier stipule que «si un pays de l’OTAN est victime d’une attaque armée, chaque membre de l’Alliance considérera cet acte de violence comme une attaque armée dirigée contre l’ensemble des membres et prendra les mesures qu’il jugera nécessaires pour venir en aide au pays attaqué.» L’Ukraine n’ayant pas intégré l’OTAN, les pays de l’organisation ne peuvent donc intervenir légitimement.
Cependant, dès la mi-journée, le quotidien français Le Figaro rappelle la possibilité de la procédure d’activation de l’article 4 du traité, ayant pour principe la défense collective. Celui-ci stipule par ailleurs que «les Alliés peuvent se consulter quand ils pensent que leur intégrité territoriale, leur indépendance politique ou leur sécurité sont menacées d’une quelconque manière». C’est ainsi que la tenue d’une réunion le 25 février 2022 a été décidée, les pays Baltes, la Pologne et la Roumanie ayant demandé l’activation de cet article pour consultation.
L’hypothèse d’une intervention militaire aux côtés du peuple ukrainien est donc sur la table, quoique peu probable en termes d’envoi de troupes sur le terrain, selon le site d’information suisse watson. Au matin du 25 février 2022, le président français Emmanuel Macron annonce «l’accélération du déploiement de soldats français en Roumanie», où sont déjà positionnés des militaires américains.
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