Le 25 septembre dernier, le Kurdistan irakien organisait un référendum sur une indépendance éventuelle vis-à-vis de l’Etat irakien. Le résultat du vote s’annonçait joué d’avance tant on connaît la volonté du peuple kurde de vivre sous ses propres lois, bien que la région jouisse d’une grande autonomie depuis l’entrée en vigueur de la constitution de 2005. Ce vote, du point de vue kurde, n’est que l’aboutissement logique des événements qui ont suivi la montée de l’organisation «Etat islamique» en Irak et en Syrie et contre laquelle les forces kurdes ont activement mené de violents combats.
Le Kurdistan irakien et ses combattants peshmergas se sont battus aux côtés du gouvernement fédéral ainsi que de la coalition menée par les Etats-Unis et ont réussi à repousser les forces islamistes hors d’Irak au prix de nombreuses victimes. Après avoir été l’une des pièces maîtresses de la libération du pays et s’être considérablement renforcé en tant que région, le Kurdistan irakien, par son président, a trouvé assez de légitimité pour lancer un référendum sur l’indépendance. C’était sans compter sur les jeux entre puissances au Proche et Moyen-Orient. En effet, tous les pays de la région, de même que les Occidentaux et la Russie, se sont opposés à ce vote pour des motifs différents. Pourtant, le scrutin a eu lieu et Bagdad a immédiatement pris des mesures contre la région autonome, tout en ne fermant pas la porte à des discussions.
Une forme de trahison
Durant la semaine passée, les événements se sont précipités et le gouvernement fédéral a lancé une offensive pour reprendre la ville de Kirkouk que les Kurdes occupaient après en avoir chassé les combattants de «l’Etat islamique». Cette ville ne se trouvait pas sur le territoire de la région autonome mais dans les frontières irakiennes. Alors, une contradiction présente depuis le début du combat contre l’organisation terroriste a fait surface: le gouvernement des Etats-Unis s’appuyait à la fois sur les Kurdes, auxquels il fournissait de l’équipement, et à la fois sur le gouvernement irakien. Le problème ne se situe pas uniquement dans l’opposition de deux forces que Washington soutient mais aussi dans le fait que l’offensive sur la région de Kirkouk s’est faite aussi grâce au soutien de milices soutenues par l’Iran. Ce retournement des Etats-Unis a été vu par certains comme une trahison.
L’influence iranienne
Une chose est sûre, Bagdad a dû demander le feu vert des Etats-Unis, qui ont soutenu l’action. Ces derniers n’ont certainement pas oublié l’importante influence iranienne au sein du gouvernement irakien. Téhéran souhaite en effet augmenter son contrôle sur la région pour éviter un Etat kurde indépendant qui pousserait les communautés kurdes de son propre territoire à exiger les même traitement. Le Kurdistan a été lâché par les Etats-Unis qui se sont mis dans le même camp que l’Iran sur la question kurde. Comment ne pas penser au climat actuel dans lequel Trump refuse de soutenir l’accord sur le nucléaire et veut renforcer les sanctions sur Téhéran?
La fin d’une contradiction et la reconstruction
De manière générale, le soutien au Kurdistan et à l’Irak n’était pas tenable sur le long terme. Les Etats-Unis avaient un besoin urgent d’alliés sur le terrain dans la guerre contre Daesh alors que le gouvernement irakien vacillait et que Bagdad était menacée par les islamistes. Maintenant que la menace directe sur le territoire irakien est en grande partie levée, les Etats-Unis peuvent lâcher le Kurdistan et soutenir le gouvernement central. La position américaine est claire: un Irak divisé a déjà été le terreau pour une immense instabilité dans la région, et il est temps d’en finir. Peu importe si une déclaration d’indépendance, même légitime, venait à surgir, la volonté de stabilité régionale l’emporterait.
Cette opinion est partagée par le premier ministre irakien dans les colonnes du New York Times: «Durant trois ans, nous avons combattu les terroristes et les pronostics. Nous n’autoriserons pas les Kurdes a réduire en morceaux notre pays (…) Les actions unilatérales violant la loi menacent la stabilité de notre pays en entier de même que celle de nos voisins.» Dès lors, il est difficile d’imaginer une indépendance dans un avenir proche pour le Kurdistan irakien. Toutes les planètes sont alignées pour l’empêcher.