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La lecture trompeuse des législatives en Catalogne5 minutes de lecture

par Pablo Sánchez
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La véritable influence du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez sur les bons résultats de son parti est à relativiser. Photo: Unsplash

Les élections catalanes se sont soldées par une défaite historique du bloc indépendantiste. Au premier abord, le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez semble en ressortir renforcé, lui qui a théorisé la réconciliation des Espagnols. La réalité est plus complexe.

Le 12 mai, le champagne est resté au frais dans les locaux des nationalistes catalans. Pour la première fois depuis 1980, la majorité absolue au parlement régional leur échappe. Si la droite indépendantiste de Junts per Catalunya, a progressé timidement (+3 députés), Esquerra Republicana (ERC), parti de gauche indépendantiste, s’est effondré (-13 députés). Le grand gagnant du scrutin est le Parti socialiste catalan (PSC), emmené par Salvador Illa, qui devient la première force du Parlement avec 42 représentants (+9 députés). Le candidat social-démocrate est désormais le mieux placé pour devenir président de la région.

Dans une Espagne où politiques régionale et nationale fonctionnent en vases communicants, les résultats de mi-mai renforcent Pedro Sánchez, du moins en surface. Pour en comprendre les raisons, il faut revenir quelques mois en arrière. Après les élections nationales de juillet 2023, le socialiste est redevenu Premier ministre grâce à une majorité parlementaire «patchwork» , en s’appuyant sur toute une ribambelle de formations, parmi lesquelles les partis nationalistes catalans.

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En échange du soutien de ses sept députés, Junts per Catalunya a exigé l’amnistie de son dirigeant Carles Puigdemont, poursuivi par la justice espagnole pour avoir organisé un référendum d’indépendance illégal en 2017. Une requête acceptée par Pedro Sánchez, alors qu’il s’y était opposé lors de la campagne. Pour justifier cette loi jamais envisagée auparavant et largement critiquée, y compris à gauche, le Premier ministre s’est empressé de créer un narratif qui présente cette grâce comme un pas vers la «réconciliation» entre les Espagnols, un acte qui permettrait de tourner la page de l’indépendantisme.

Une réconciliation à relativiser

Avec la victoire socialiste et le recul des nationalistes catalans, Pedro Sánchez pense tenir une preuve du bien-fondé de son récit inventé ex-nihilo. Cependant, sa véritable influence sur les bons résultats du PSC est à relativiser. L’amnistie n’a pas été un sujet central de la campagne. Et quand bien même elle aurait exercé une influence, a-t-elle vraiment été positive pour le PSC? Les bons scores du Partido Popular (PP) et de Vox, partis de droite fermement opposés au blanchiment de Carles Puigdemont, semblent indiquer le contraire.

Le PP, qui a progressé de 12 députés, est allé chercher des voix bien au-delà de son propre électorat et de celui de Ciudadanos, une formation libérale qu’il a complètement absorbée, ce qui laisse envisager un transfert de votes provenant du PSC ou une mobilisation d’abstentionnistes rétifs à l’amnistie. Le parti de droite identitaire Vox a quant à lui maintenu le même nombre de députés que lors de la législature précédente (11), alors qu’il est en perte de vitesse dans tout le pays.

L’«anti-sanchisme», l’opposition frontale au Premier ministre démultipliée par l’amnistie, a servi de catalyseur pour les partis de droite. L’indéniable progression socialiste est plutôt à attribuer à Salvador Illa, perçu comme un politicien posé et responsable, comme le candidat de l’apaisement après des années de tension sociale générée par le référendum illégal de 2017.

L’indépendantisme encore vivant

Les résultats des élections régionales ont mis les indépendantistes face à une dure réalité. La Catalogne du 12 mai est celle qu’ils se refusaient à voir, celle d’une majorité d’électeurs qui ne croit pas au séparatisme, celle d’un peuple qui reste en grande partie attaché à l’Espagne. La confrontation et la victimisation ne convainquent plus.

Néanmoins, la page de l’indépendantisme n’a pas encore été tournée. Ce courant dispose d’un ancrage en Catalogne qui ne disparaîtra sans doute pas de sitôt et le poids des nationalistes catalans reste disproportionné sur la politique espagnole. Junts et ERC sont la clef de la fragile majorité sur laquelle repose le gouvernement et, tant qu’ils le pourront, leurs dirigeants continueront à faire pression sur Sánchez pour obtenir tous types de privilèges. Après la loi d’amnistie adoptée le 30 mai dernier, l’objectif suivant est clair: un référendum d’indépendance pacté avec le gouvernement. Au cours de l’histoire, les nationalistes catalans ont démontré exceller dans le nombrilisme et le chantage, quitte à sacrifier le reste des Espagnols.

Ecrire à l’auteur: pablo.sanchez@leregardlibre.com

Vous venez de lire un article en libre accès, tiré de notre édition papier (Le Regard Libre N°108). Débats, analyses, actualités culturelles: abonnez-vous à notre média de réflexion pour nous soutenir et avoir accès à tous nos contenus!

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