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Taxation et justice sociale: l’oppression des plus riches5 minutes de lecture

par Jérémie Bongiovanni
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Les lundis de l’actualité – Jérémie Bongiovanni

La presse dominicale suisse-alémanique présentait hier les résultats d’une étude menée par le bureau HCM International. D’après celle-ci, 57% des Suisses seraient favorables à une hausse de l’imposition des hauts revenus. Avec en perspective l’initiative des jeunes socialistes dite des 99% visant à augmenter l’imposition du capital, l’animosité envers les plus riches est vive. Il est pressant de remettre en cause une intuition bien trop établie quant à l’imposition des plus riches.

La taxation des revenus les plus élevés ainsi que les rémunérations des dirigeants de grandes entreprises font régulièrement l’objet de critiques dans le monde politique. Le public est d’une manière générale lui aussi très sceptique face à ces strates privilégiées – financièrement du moins – de la société. Le sondage révélé par la NZZ am Sonntag, selon lequel 57% des Suisses seraient favorables à une hausse de la taxation des hauts revenus, confirme que ce ressentiment est ancré dans l’esprit collectif.

Nombreux sont ceux qui invoquent désormais la justice sociale – idée souvent importée de la «social justice» anglo-saxonne – pour justifier une taxation plus élevée des plus riches. Les défenseurs autoproclamés de la justice sociale s’accaparent ainsi une supériorité morale pour défendre ce qui pourrait bien en réalité être le parfait opposé. Ceux-là même qui défendent la justice empêchent, dès le départ, un débat honnête, pourtant seul moyen d’atteindre une situation plus juste que s’il n’avait pas eu lieu.

L’injustice des solutions: l’expérience Rawls

Pour définir une situation comme étant juste ou injuste, le philosophe américain du XXe siècle John Rawls a développé une théorie dite du voile d’ignorance. Cette construction intellectuelle doit permettre de juger si une situation est juste en l’anticipant derrière un voile d’ignorance, c’est-à-dire depuis une position dans laquelle le sujet ne sait pas au préalable dans quelle famille il naîtra, avec quel statut social, de quel sexe il sera ainsi que tout autre critère pouvant influencer son jugement objectif.

En l’appliquant à l’imposition et me plaçant personnellement derrière ce voile d’ignorance, je ne suis pas convaincu de voir en une taxation plus élevée des plus riches une situation de justice sociale. Placé derrière le voile d’ignorance et considérant la possibilité de devenir une personne touchée par ces impôts plus élevés, je n’y trouve là aucune justice. L’augmentation des impôts que je devrais payer sera définie de manière arbitraire par des politiciens qui sont malheureusement, pour beaucoup, probablement plus en quête d’une réélection que d’un idéal philosophique de justice. Cette mesure me ferait payer de manière disproportionnée pour les efforts fournis dans le but d’acquérir plus de richesse.

Cette étape de la réflexion ne signifie cependant pas que la richesse d’une personne ne peut pas être mise à disposition d’autres personnes en ayant besoin. Le problème est d’utiliser l’appareil étatique pour répartir cette richesse de manière arbitraire. Chaque individu peut tout à fait faire preuve de générosité, comme l’illustrent les nombreuses personnalités actives dans la philanthropie. Cette dernière fait définitivement plus de bien à l’humanité que la supposée répartition des richesses vénézuélienne.

Ce qui me convaincrait de soutenir une telle imposition des plus riches en me trouvant derrière le voile d’ignorance, ce serait bien le fait que ceux-ci représentent une minorité et donc que la probabilité que je sois moi-même touché par une telle mesure est infime. La valeur morale de cette réflexion du freerider est cependant limitée. En effet, cette théorie de ne peut que très difficilement être appliquée à d’autre minorités. De plus, il faut souligner ici que le bénéfice que je tirerais en tant que personne modeste de la taxation plus importante d’un individu plus aisé serait probablement inférieur à la perte de ce dernier.

Les contradictions des garants de la justice sociale

Bien souvent, ceux qui souhaitent voir les plus riches payer plus d’impôts sont les mêmes qui défendent toutes les autres minorités avec un zèle remarquable. Le fait que les plus riches soient eux aussi une minorité semble malgré tout leur échapper, ce qui est fort regrettable. Les plus fortunés sont, comme chaque minorité, menacés dans leurs droits fondamentaux, en l’occurrence celui de la propriété privée, ce que rien ne peut justifier.

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Enfin, ceux qui s’insurgent contre la richesse d’une partie de la population semblent donner une importance disproportionnée à l’argent. La Suisse est un pays dans lequel les structures actuelles doivent permettre en grande partie de répondre aux besoins primaires de chaque personne. Chacun a par la suite la possibilité de s’épanouir dans une activité sportive, culturelle ou encore professionnelle. C’est bien là la théorie de John Rawls: une société ne peut être égalitariste mais elle doit être ouverte, faire place à la mobilité sociale, selon le principe du mérite, et par là être juste. Ainsi, ceux qui souhaitent encore plus de répartition semblent voir dans l’argent la clef du salut ultime pour vivre heureux. Paradoxal!

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Réfléchir à des thématiques telles que l’imposition est central pour maintenir un contrat social équilibré dans nos sociétés. L’intuition peut parfois nous guider vers de subtiles injustices qui, sur le long terme, peuvent conduire au délitement de la société et à la confrontation de diverses strates – comme l’épisode des gilets jaunes l’a illustré – pourtant appelées à collaborer.

Ecrire à l’auteur: jeremie.bongiovanni@leregardlibre.com

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