Les lundis de l’actualité – Nicolas Jutzet
Les perquisitions du 16 octobre dernier pourraient bien se transformer en véritable «sparadrap du Capitaine Haddock». Des jours après cet épisode mouvementé, la tension semble toujours à son comble. Se muant en feuilleton sans fin, l’épisode en question risque bien de porter un coup fatal aux ambitions de ceux qui se voyaient en premiers opposants du président Macron. Bien plus que la perquisition du siège du parti en elle-même, et ses excès que nous connaissons désormais tous, c’est la gestion de la crise qui laisse supposer que le tribun populiste et ses acolytes sont tout sauf prêts à incarner une force d’opposition crédible, tant leur capacité à gouverner est désormais sujette à caution.
Que l’émotion déclenchée par une série de perquisitions, qui peut paraître disproportionnée, puisse emporter les troupes, et faire hausser la voix parmi les personnes touchées, sans doute est-ce compréhensible, dans la mesure de la décence. Il eût été possible de l’expliquer, de le justifier, voir même d’en profiter pour se profiler comme une force politique humaine et qui, face à une situation exceptionnelle, réagit avec un naturel que trop peu de politiciens arrivent encore à incarner. Mais le déferlement de violence, d’outrance (et d’outrages) pendant et encore après, font de cet événement ce qui pourrait ressembler au début de la fin pour les Insoumis.
Hystérie collective
Tout commence par les paroles adressées aux forces de l’ordre au siège de la formation politique. Ajoutez-y les grotesques élucubrations mégalomanes du petit père des Insoumis: «Personne ne me touche, ma personne est sacrée», «La République, c’est moi» ou celle de son bras-droit Alexis Corbière, un multirécidiviste en terme de polémiques, qui crie «Hé, je suis député, moi, monsieur!». On savait le leader imbu de sa personne et sujet à des colères mémorables, notamment lorsqu’il insultait un cheminot. On connaissait également sa légitimation de la haine de la presse qu’il juge «juste et saine».
On sait désormais qu’il n’hésite pas à mépriser une journaliste qui parle avec un accent prononcé, que selon lui les journalistes de Radio France sont des «abrutis», «menteurs et tricheurs» et qu’ils travaillent pour un radiotélévision d’Etat soumise au pouvoir. Alors même que Mediapart, un de seuls médias du pays ne touchant pas de subvention étatique, est un fer de lance des révélations en lien avec les perquisitions en question. L’impression d’assister à un delirium tremens.
Un mea culpa raté
Non content d’avoir piteusement raté la gestion de la crise en direct, les Insoumis se distingueront par une capacité somme toute étonnante à nier les faits, ou à les minimiser par la suite, sans oublier de verser dans un complotisme déclenchant une gêne palpable chez toute personne ne serait-ce qu’un minimum objective. L’intervention de Corbière «J’ai réagi comme un enseignant qui essaie de calmer une classe en furie (…) Il n’y a pas eu de violence» ou autre «C’est une affaire politique déguisée, habillée en affaire judiciaire» d’un Adrien Quatennens qui n’oublie jamais de briller par son absence de clairvoyance viennent confirmer que la gravité de leur mascarade n’a pas été comprise par ceux qui étaient pourtant en première ligne pour l’observer.
Cette gestion manquée est confirmée par les sondages indiquant que même dans la base des soutiens à Mélenchon et ses sbires, les doutes existent quant à la pertinence de ce cette mise en scène gargantuesque. Par ailleurs, 64% de Français se disent «choqués» par son comportement. Il chute également dans l’estime des Français qui placent désormais Jean-Luc Mélenchon à 23% d’avis favorables seulement (pour 70% d’avis défavorables). Un exploit qui le place derrière Benoît Hamon, (onzième avec 26%), Marion-Maréchal Le Pen (neuvième avec 27%) et la patronne du Rassemblement national Marine Le Pen (treizième avec 25%).
Loin de se rendre compte de son erreur, il s’enfonce dans son jeu paranoïaque en clamant désormais que «Le coupable du coup-monté est à l’Elysée» ou qu’il est victime, avec son groupe de bras-cassés, d’un acharnement judiciaire et médiatique. Ne se satisfaisant pas de se saborder, Mélenchon entraîne dans sa chute l’entier de la classe politique, la justice et les médias.
Tablant sur le «dégagisme» pour se faire une place au soleil, le truculent chef risque désormais de manger son pain noir. Il a manqué ses rendez-vous avec l’histoire. Servir et disparaître, une idée qui doit faire son chemin, mais qui finira par s’imposer, malgré l’égo pour le moins surdimensionné de celui qui ne digérera sans doute jamais son «A 600’000 voix près, nous aurions été présents au second tour».
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