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«Les bonnes intentions» d’un cinéma moyennement bon4 minutes de lecture

par Hélène Lavoyer
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Les mercredis du cinéma – Hélène Lavoyer

«Mais ils ne font rien de mal!
Ils ne font rien de bien non plus.»

A la suite des traditionnelles publicités à rallonge plus scénarisées que des films de Nolan, l’écran se fait finalement noir, son champ s’élargit et annonce le début de la projection du long-métrage Les bonnes intentions de Gilles Legrand (réalisateur des touchants Belle et Sébastien). Toujours dans l’exploration du relationnel, cette œuvre-ci dépeint l’histoire d’Isabelle, une française de vocation humanitaire, ainsi que de sa famille.

Cette femme d’une cinquantaine d’année n’a d’autre raison de vivre que les sans abris à qui elle fournit des habits – parfois même ceux de sa fille, qu’elle ôte subrepticement de sa garde-robe sans que cette dernière ne soit dupe – et les immigrés à qui elle donne des cours de français. Enfin, si, il y a autre chose, quelque chose de plus grand: la misère du monde. Ce qui pousse Isabelle à l’activité et à l’entreprise, c’est sa volonté d’aider tous ceux dans le besoin.

Pour satisfaire son obsession de la justice et son besoin d’«aider les plus démunis», toute son attention et toute sa force sont requises, au détriment de ses enfants, qui malgré la présence de leur mère à la maison ne s’en sentent pas proche – ou plutôt, la sentent absente – de son mari et d’autres, à qui elle impose ses idéaux écologiques et humanitaires par des phrases, des restrictions, ou des immigrés à la maison.

Dans l’établissement dans lequel elle travaille arrive un jour Elke, une jeune allemande qu’Isabelle considère de suite comme une menace, et pour cause, puisque sa propre vie est parsemées de mini-drames familiaux – son mari et elle entreprennent une thérapie de couple après qu’elle l’a appelé dans un moment charnel «mon petit réfugié» – et de stress liés à son travail avec les migrants.

De conflits en imprévus, de projets familiaux avortés à l’examen de conduite pour lequel elle prépare «ses» immigrants en se donnant corps et âme à la tâche, Isabelle perd pied, et blesse les êtres qu’elle considère «n’avoir besoin de rien» et qui sont pourtant ceux qui l’aiment, la tolèrent, lui tiennent tête sans jamais la rejeter tout autant qu’elle faute envers elle-même et les immigrants qu’elle désire tant soutenir.

«Tu sais, la Communication Non Violente, ça ne remplace pas le coeur.»

Passion de l’autre et abandon de soi

Thème des plus actuels, l’humanitaire est quelqu’un qui «s’intéresse au bien de l’humanité» et «cherche à améliorer la condition de l’homme», comme nous l’indique le dictionnaire Larousse. Pour autant, et cela Legrand l’a compris, la volonté d’améliorer les conditions d’hommes et de femmes est problématique, paradoxal même, comme il tente de le montrer dans son film qui malgré la bonne volonté mise dans l’ouvrage reste maladroit, stéréotypé et inachevé.

L’angle qu’il prend est celui de la famille, un sujet qui nous touche toutes et tous. Plongés dans la frénésie du personnage principal dès le début, nous ne croyons à la justice qu’elle applique, provoque, et inculque à ses enfants qu’une dizaine de minutes, avant de ressentir la peine de ceux qu’elle délaisse puisqu’ils «n’ont besoin de rien». On comprend alors que des blessures profondes datant de son enfance et de sa relation avec sa mère n’ont pas été pansées.

Si l’idée d’explorer la tendance humanitaire au travers du spectre familial et intergénérationnel est intéressante et que cet aspect se voit bien traité, beaucoup de détails entachent au tout. En premier lieu, l’ombre des stéréotypes semble planer constamment à l’écran. Des «tchips» incessants d’une Guinéenne lors d’une altercation au vol organisé d’un Moldave, les principaux concernés par le sujet sont dépeints comme des assistés, et correspondent dans leurs comportements aux idées reçues que nous avons sur eux en France comme en Suisse.

A sa façon, Les bonnes intentions montre que l’enfer en est pavé, et que ces personnes ultra-déterminées, montrant aux autres que la conscience d’une faute ou d’une injustice doit s’accompagner d’actes – comme lorsque la fille d’Isabelle lui rend des habits produits au Bangladesh puisqu’elle a l’impression d’avoir «du sang sur les mains» – ont leur place dans la société et le devoir de faire entendre leurs voix. Mais, exprimées et concrétisées afin de remplir un gouffre affectif, ces intentions n’ont ni sens ni vertu.

Finalement, le message passe, mais sa grandeur est ternie par le manque de profondeur des personnages qui gravitent autour d’Isabelle et restent toujours dans une facette de leur personnalité. La litanie finale de cette dernière à l’enterrement de sa grand-mère adorée veut clore le débat, essuyer ses fautes, accueillir une famille «élargie, élastique, sans frontières», mais si famille, amis et immigrés décident d’y entrer, difficile de croire à un discours sorti de nulle part, pas même d’une réflexion explicite sur elle-même.

Ecrire à l’auteur: helene.lavoyer@leregardlibre.com

Crédit photo: © Frenetic Films

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