Les mercredis du cinéma – Loris S. Musumeci
«Putain, j’étouffe!»
Ils sont venus, ils sont tous là: toute l’équipe des Petits mouchoirs est de retour. Et autant le dire tout suite: les neuf ans qui se sont écoulés depuis le premier film n’ont pas fait du bien à tout le monde. Chacun a vieilli, bien sûr, mais chacun a accumulé déceptions et bouleversements.
A tel point que Max (François Cluzet) s’est coupé de la bande. Il est en souci et surtout en faillite. Cette maison de rêve au Cap Ferret, qui avait accueilli toute la bande d’amis pour les vacances chaque été, Max doit désormais la vendre. A contre-cœur. Il veut être seul dans l’épreuve, d’autant plus que personne n’est au courant. Mais voilà que sa nouvelle petite amie a décidé de réunir à la maison tous ses anciens amis. L’accueil est froid; les larmes coulent; les reproches fusent.
Ceux qui ont aimé Les petits mouchoirs aimeront sa suite tant attendue, c’est certain. Pourtant les deux films de Guillaume Canet ont bien de quoi irriter. Notamment, parce qu’il ne se passe rien. Chacun a sa vie banale et les problèmes qui vont avec. Un divorce, le stress, l’alcool, le manque d’amour, l’instabilité professionnelle et le succès éphémère. La banalité des faits accompagne la banalité des dialogues. Les répliques sonnent très naturel, au point qu’on a l’impression de les entendre tous les jours. Le réalisme est en ce sens décidément réussi. Même si l’ennui risque toujours de faire son apparition.
Mais ce qui agace sans doute le plus, c’est la nature même de leur amitié. En apparence, il n’y a que critiques et hypocrites. Jalousies, humiliations, indifférence et malhonnêteté. Triste constat d’amitié, n’est-ce pas? Triste et oh combien vrai! Voilà le point fort de Canet. Voilà pourquoi Nous finirons ensemble touche juste. Parce qu’on s’y retrouve. Sans faire l’éloge d’amitiés pitoyables, le scénario livre au spectateur un abrégé de l’amitié au XXIe siècle en Occident. Car, si les manquements occupent une place majeure, ils ne détrônent pas la place primordiale qu’occupent l’affection et la fidélité.
Pourquoi, en effet, tous se retrouver? Parce que tout simplement la bande à Canet s’aime bien. L’affection demeure, la fidélité jaillit des bons souvenirs, et voilà que les amis ont besoin d’être ensemble, de parler de leurs petits problèmes, ou tout simplement de faire un peu les cons. En fait, c’est tellement ça, l’amitié. Autre raison de la réussite du film: la construction des personnages. Si déjà dans Les petits mouchoirs ils portaient en eux un germe de caricature, dans Nous finirons ensemble ils deviennent tous des archétypes. Au fond, ils nous ressemblent, dans la mesure où nous sommes tous caricaturaux. Et c’est tant mieux. La vie est plus drôle ainsi.
Enfin, le lieu de tournage ne peut pas être omis. Le Cap Ferret a tout du rêve, certes. Un mauvais regard ne saurait pourtant pas le mettre en valeur comme il le mérite. Là, Guillaume Canet montre sa sensibilité artistique. Il a du goût pour les belles images. Il veut les montrer avec délicatesse. Et surtout, la beauté de la photographie n’entre pas en décalage avec la vilenie du sujet social traité. Bien au contraire, l’amitié est portée par la majesté du lieu. La plage apaise. Cette bande d’amis, c’est le Cap Ferret. Des Petits mouchoirs à Nous finirons ensemble, il y a de quoi se rincer les yeux, de quoi rire un bon coup, de quoi être un peu peiné, et de quoi penser à ses amis; à ceux qui sont là, et à ceux qui ne sont plus là.
Ecrire à l’auteur: loris.musumeci@leregardlibre.com
Crédit photo: © Agora Films
Nous finirons ensemble |
---|
FRANCE, 2019 |
Réalisation: Guillaume Canet |
Scénario: Guillaume Canet, Rodolphe Lauga |
Interprétation: François Cluzet, Marion Cotillard, Gilles Lellouche, Laurent Lafitte, Benoît Magimel, Pascale Arbillot, Clémentine Baert, Valérie Bonneton, José Garcia |
Production: Artémis Productions, Trésors Film, Caneo Films, EuropaCorp, M6 Films, Voo, Be TV |
Distribution: Agora Films |
Durée: 2h15 |
Sortie: 1er mai 2019 |