Le Regard Libre N° 50 – Jonas Follonier
Que de travail bénévole réalisé cinq ans et trois mois durant, mais que de plaisir également! En me rasant le matin, il m’est arrivé bien plus d’une fois de me demander si cette belle aventure n’était pas plus folle que belle. A quoi bon toutes ces heures quotidiennes consacrées à la vie de cette revue? A l’occasion de la publication de notre cinquantième édition, j’en suis plus que convaincu: non seulement notre investissement n’est pas vain, mais nous pouvons aussi voir ses fruits concrètement. Là, devant nos yeux. En nous efforçant de procurer de la matière intéressante à nos lecteurs, de plus en plus nombreux, voilà que nous arrivons fièrement à ce résultat, un magazine classe de soixante-huit pages, produit chaque mois par la passion de quelques jeunes.
Fiers, nous pouvons l’être. Fiers de susciter le débat et de proposer de grands dossiers culturels. Fiers de compter parmi nos abonnés et nos soutiens d’éminentes personnalités. Fiers de notre effort de réflexion pour dépasser le flux de l’information. Fiers d’avoir tenu bon face au manque d’ouverture et de considération de la part d’une certaine caste journalistique et artistique. Fiers d’avoir cru à une démarche à laquelle personne ne croyait. Fiers d’avoir donné la parole à des individus aux sensibilités diverses, des passionnés, des êtres déjantés parfois, critiques toujours; jamais fades.
Mais à l’heure de la frénésie de l’information, notre publication me paraît revêtir une qualité dont on parle peu: son rythme mensuel. Ce format permet en effet de prendre le temps de l’analyse. Nous nous en sommes rendu compte au fil des éditions. Qu’il est doux de ne pas devoir fournir les nouvelles que fournissent déjà tous les autres médias concernant l’incendie de Notre-Dame le lendemain même du drame. A la place de cela, nous proposons un dessin qu’aura pris le temps de réaliser notre cher Nicolas Locatelli et qui se base sur un événement que tout le monde connaît déjà et que personne n’a envie de relire dans un article.
Quant à notre contenu rédactionnel à proprement parler, ne pas pouvoir être actuel au sens strict du terme permet de viser non pas l’inactuel, mais une autre forme d’actuel: le permanent. Des questions importantes, des débats transversaux, dont nous nous efforçons de faire une lecture originale, honnête et constructive. Les entretiens, nombreux dans nos colonnes, donnent souvent l’occasion de discussions à la fois singulières et universelles; les articles grand format, c’est une évidence, constituent le support clef d’une analyse ou d’une réflexion personnelle; même nos chroniques culturelles, qui sur la base d’une matière littéraire, cinématographique ou musicale, permettent d’en apprécier les ressorts intellectuels et sensuels qui touchent à notre condition d’être humain.
Mais trêve de blabla, cette revue se modifie de numéro en numéro. Sur le plan graphique comme celui du contenu, un réel souci de renouvellement anime notre quinzaine de collaborateurs. C’est certainement un bon signe d’être satisfait d’un numéro à sa sortie et de le considérer comme mineur deux ans après. C’est que nous tentons de nous adapter à nos ambitions et aux recommandations de nos abonnés. Compter sur la scène médiatique francophone, voilà l’objectif de notre rédaction depuis quelque temps maintenant. Nous allons y arriver, et ce grâce à vous.
Pour cette cinquantième édition, mes collègues et moi avons fait le choix d’une couverture sortant des sentiers battus. De nos propres sentiers battus. Parce que, c’est vrai, nous entendons souvent que notre revue est exigeante. Les personnes qui s’abonnent le savent, et nous ne nous en cachons pas. Mais nous souhaitions montrer par un entretien insolite que Le Regard Libre s’est aussi construit dans le refus du snobisme. Dans le domaine des idées comme de la culture, nous n’aimons pas les carcans institutionnels qui statuent sur ce qui est intéressant, moral, beau ou bon.
La liberté a toujours été menacée, par des totalitarismes qui ne s’affichaient jamais comme tels au départ. Aujourd’hui, nous assistons à la puissante influence du politiquement correct sur nos vies. La bien-pensance est un concept utilisé à tort et à travers, certes, mais il a une portée bien réelle. Au final, quelle que soit la définition que nous donnons de cette police de la pensée, il nous importe de promouvoir l’esprit critique et la liberté de goût et d’opinion. Nulle élite ou pseudo-élite n’a le monopole de l’art ni de la réflexion.
Le Regard Libre entend donc participer au débat d’idées dans une démarche curieuse et courageuse. Faire dialoguer les différents courants, les différentes catégories sociales, les différents sujets, les siècles et les générations. Et si ce magma journalistique donne à penser ne serait-ce qu’à quelques poignées de personnes, notre objectif premier aura été atteint. Donner du plaisir à nos lecteurs, en nous faisant plaisir.
Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com
Crédit photo: © Lauriane Pipoz pour Le Regard Libre
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