Les lundis de l’actualité – Clément Guntern
A l’heure d’écrire ces lignes et de m’intéresser à l’actualité, le constat du vide se fit. Pas moyen de trouver une actualité pour stimuler mon intérêt; seulement des non-événements, d’énièmes répétitions de pièces déjà trop vues: les grèves en France, les tensions en Iran et en Corée du Nord, les manifestations à Hong Kong… Bref, rien de bien stimulant. Les observateurs de l’actualité nationale et internationale s’en sont déjà rendu compte: on s’ennuie parfois à mourir en lisant les journaux.
Malheureusement, l’actualité, ou plutôt l’histoire, n’a rien d’un long fleuve tranquille. Elle possède des cataractes lors desquelles tout se resserre, tout s’accélère, tout change. Impossible de prédire l’avenir, en tout cas pas à travers l’histoire. Si l’on conçoit que notre monde fonctionne par cycles, la semaine dernière, nous étions dans un ventre mou, un temps de latence avant une autre crise. Pourtant, il serait faux de dire que rien ne se passe, car, pour avoir une explosion, il faut de lentes fermentations où les choses évoluent par fragments; un moment où les choses se résolvent petit à petit et où les prochains conflits se préparent.
Les sujets passent puis réapparaissent soudainement sous une autre forme et, entre temps, personne n’a vu ce qui se préparait. Il est fort probable que nous soyons condamnés à courir après les événements et rattraper les évolutions du monde.
Cette vision d’une actualité vide doit beaucoup à l’approche des médias. On ne voit que les phénomènes qui émergent de la normalité. Le reste se passe sous la surface de l’eau, dans de grands courants plus ou moins profonds. On pourrait dire, en suivant une critique bien connue, que les médias ne s’intéressent qu’à ce qui va mal. Or, cette critique est inexacte. On s’intéresse à ce qui nous intéresse ou intéresse nos lecteurs. On passe sous silence les profondes mutations, les processus du temps long qui se déroulent dans le monde, loin de chez nous. Et c’est normal.
C’est pour cela que les crises parfois nous surprennent. Cette vision naïve du monde s’est lourdement accrue par la propension des médias à réduire les articles de réflexion, les enquêtes ou les reportages, faute de moyens ou par adaptation à la demande. Les lecteurs d’aujourd’hui raffolent en majorité de courts articles, factuels, de petites vidéos qui prétendent expliquer une situation en moins de deux minutes – eh oui!
Il est clair qu’un choix doit être fait, mais la désinformation menace nos sociétés si peu concernées. Pourtant, des médias, nouveaux pour la plupart, proposent du slow journalism avec des reportages où les journalistes prennent le temps et ne se concentrent pas seulement sur l’actualité chaude du moment, à l’instar de Sept.info, média partenaire du Regard Libre. Cette approche a le mérite d’informer en plus de raconter ou de dire.
J’aurais eu tort de penser que rien ne se passait d’important dans le monde en ce moment pour mon article. J’aurais dû dire que je ne voyais rien de ce qui était important.
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