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Pourquoi le féminisme ne peut être que libéral6 minutes de lecture

par Mathilde Berger-Perrin
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L’essayiste française Mathilde Berger-Perrin, auteure de Ayn Rand, l’égoïsme comme héroïsme, juge que l’économie de marché est le meilleur ami des femmes. Elle les invite à moins en attendre de l’Etat.

Faire de l’économie de marché un levier d’émancipation, avoir un recours modéré à la loi, et faire de l’individualisme son éthique: ces trois critères, réunis, sont la condition d’un monde plus juste pour les femmes. Dans les cercles militants, ce postulat est loin d’être populaire, c’est même une hérésie. Et pourtant: là où libéralisme fleurit, le patriarcat recule. Sans lui, le patriarcat[1] prospère.

Le capitalisme, meilleur ami des femmes

La littérature féministe accuse souvent le capitalisme d’opprimer les femmes. Pourtant, avec l’avènement des sociétés post-industrielles connaissant une économie de marché, la condition des femmes ne s’est jamais aussi rapidement et massivement améliorée.

Prenez une mappemonde et regardez où la condition féminine est la meilleure. On retrouve en tête des indices d’égalité de genre[2] les pays les plus capitalistes, à commencer par l’Irlande, la Suisse, le Danemark ou encore le Royaume-Uni. Au contraire, dans les pays les moins libres économiquement, 7,42% des femmes de 25 ans et plus sont diplômées d’études supérieures contre 40,84% dans les pays où l’économie est ouverte. Dans ces derniers, 82% des femmes ont un compte en banque, contre 25% dans les économies fermées[3].

Plus de méfiance vis-à-vis de l’Etat

En matière de féminisme, nous avons le réflexe d’attendre beaucoup des lois. Pourtant, l’Histoire a montré que le progrès juridique n’était pas irréversible: ce que l’Etat donne, il peut le reprendre. L’avortement est inconstitutionnel au niveau fédéral des Etats-Unis, quasiment interdit en Pologne. Le retour des talibans en Afghanistan a effacé en deux semaines des droits des femmes bâtis pendant vingt ans. Pour citer la féministe libérale Camille Paglia: «Après avoir échappé à la dépendance aux pères et aux maris, les femmes devraient-elles maintenant transférer cet humiliant pouvoir à la bureaucratie labyrinthienne de l’Etat?»

La loi ne fait pas tout: la constitution iranienne est tout à fait égalitaire! Dans son essai Féminicène (2023), Véra Nikolski montre que l’émancipation des femmes est due à l’industrialisation et à la croissance économique: la loi et les mentalités ont suivi.

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Cet abus de confiance en l’Etat donne lieu à des politiques cosmétiques ou contre-productives. En France, le gouvernement élargit l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA), sans la faciliter; criminalise les clients des travailleuses du sexe, au détriment de leur sécurité; impose une fiscalité qui empêche les femmes de combler les inégalités de salaires; instaure une journée contre les violences faites aux femmes, alors qu’il n’y a pas assez de policiers formés à ce fléau.

Nos sociétés ont besoin de lois mises en œuvre, plutôt qu’un arsenal juridique toujours plus enrichi. Alors, faut-il ne rien attendre de l’Etat? Non, mais en attendre un minimum prioritaire: l’application de l’Etat de droit. Ayons en même temps la sagesse de ne pas tout lui confier de la condition des femmes.

L’individualisme moral, mère des batailles

A la base de la philosophie libérale comme du féminisme, il y a le droit de disposer de soi-même. Toutes sociétés confondues, une femme reste rarement le personnage principal de sa vie, et son destin est encore instrumentalisé au profit d’autres buts que celui de mener sa vie comme elle l’entend. Le premier objectif du féminisme devrait être de faire du choix la mère de toutes les batailles. Sans la reconnaissance des femmes comme des individus libres, rien n’est possible.

Battons-nous pour que chacune puisse se lever en sachant qu’aucun dieu, aucun système politique, aucune pression sociale n’empiétera sur la liberté des femmes. Qu’elles aient le droit de danser, travailler, s’habiller comme elles veulent, et définir leur propre bonheur, au lieu d’être des objets sexuels ou des ventres pour une nation.

Le procès en impérialisme

Cette bataille individualiste est délaissée des militantes, par crainte d’être taxés d’impérialisme, ou par relativisme culturel. Ainsi dénoncera-t-on plus volontiers des tradwives américaines – c’est-à-dire qui prônent le retour de la femme au foyer – que la pratique de l’excision. Les éthiques féministes qui ont le vent en poupe, comme la théorie du genre ou l’intersectionnalité, sont des stratégies d’émancipation sans lendemain tant que les femmes ne seront pas reconnues d’abord comme des individus libres et rationnels. La convention d’Istanbul qui vise à lutter contre les violences faites aux femmes n’a pas été ratifiée par certains pays en raison de la définition du mot «genre»…

Si nous avons davantage d’opportunités que nos aînées, c’est que nous avons exigé que nos mœurs évoluent vers l’individualisation des femmes. Pourquoi serait-ce le privilège des sociétés riches? Ne pas imposer un modèle d’individus libres et donc de femmes libres ne nous empêche pas de nous battre pour que chacune soit libre de ses choix.

A lire aussi | Les contradictions du nouveau féminisme

Si vous aussi vous considérez qu’une condition féminine acceptable implique au minimum des critères tels que la liberté de s’éduquer, de travailler, de se déplacer, de se vêtir, de gagner de l’argent, d’aimer, sans craindre la violence des hommes, c’est dans nos démocraties que cette condition est le plus approchée. Et ce n’est pas en dépit des valeurs libérales, mais grâce à celles-ci.

Philosophe de formation, l’essayiste française Mathilde Berger-Perrin publiera prochainement son deuxième ouvrage, Pour un féminisme libéral – Le deuxième sexe à la première personne, aux Presses de la Cité.

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[1] En l’occurrence, nous entendons par-là l’institutionnalisation d’une hiérarchie entre hommes et femmes au profit du masculin.

[2] World Population Review, «Gender Equality by Country», 2022

[3] Fraser Institute, «Impact of economic freedom and women’s well-being», 2017.

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