Eblouissante dans Portrait de la jeune fille en feu, Noémie Merlant adoube à présent la réalisation. Avec Mi Iubita mon amour, elle signe une véritable tornade improvisée pour son premier long-métrage. Durant son enterrement de vie de jeune fille, Jeanne rencontre Nino, un Rom de 17 ans. Si le scénario semble déjà vu, la réalisatrice – qui tient également le premier rôle – transforme cette romance estivale en odyssée voluptueuse.
A vive allure, la voiture roule en direction de l’hôtel. Jeanne a passé sa tête par la fenêtre. La caméra, elle, reste dans l’habitacle. A l’écran, le corps de Jeanne est coupé en deux. Comme pour signifier son écartèlement. Elle le sait, dans un mois, elle devra épouser Marc. Est-ce vraiment ce dont elle a envie?
Avant de rejoindre leur hôtel, le groupe de copines s’arrête dans une station essence. Elles y rencontrent Nino (Gimi-Nicolae Covaci, co-scénariste) et son petit frère Gianni (Gianni Covaci). Ils s’approchent, intrigués par ces Françaises perdues au milieu de la campagne roumaine. Alors qu’ils font connaissance, la voiture de Jeanne et de ses amies est chapardée. Au milieu de la nuit, elles n’ont d’autres choix que de suivre leurs nouveaux anges gardiens. Mais pour combien de temps?
L’envers et l’endroit
Comme son titre bilingue l’indique – mi iubita veut dire mon amour en roumain – le film se construit en deux parties. La première se déroule dans un no man’s land, là où Nino et sa famille viennent se ressourcer l’été. La méfiance est de mise: comme en Europe centrale, faire partie de la communauté des gens du voyage est vu d’un mauvais œil par les Roumains. Privées de leur passeport et de leur argent, les quatre amies n’ont d’autre choix que de stagner dans cette maison.
Si les débuts sont difficiles, la curiosité entre Jeanne et Nino se développe. Le jeune homme n’aime pas les questions intrusives de Jeanne. Il façonne à son avantage ses réponses. Ou alors, il l’esquive, mais la provoque du regard. La caméra ne cesse d’alterner les points de vue entre les deux protagonistes. Elle suggère l’observation de l’un et de l’autre. Toujours, cette impression que ces moments furtifs ne pourraient aboutir à rien.
Film improvisé, amour pas surjoué
La seconde partie tranche avec ce moment de la rencontre. Sous la caresse des chaudes nuits d’été, Jeanne et Nino filent vers leur évidence. Une évidence qu’il n’est pas besoin de surjouer, puisque Noémie Merlant et Gimi-Nicolae Covaci se sont rencontrés pendant leurs études au Cours Florent. Le reste de la distribution se compose d’amis du couple et tous ont joué dans Shakira (2019), court-métrage réalisé par la jeune Merlant.
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C’est durant des vacances en Roumanie chez Gimi-Nicolae que la bande d’amis et le couple se décident à réaliser un film. Les dialogues ne sont que peu écrits, et l’équipe de tournage est composée d’une cheffe opératrice et d’une ingénieure son. En 14 jours, le tout est dans la boîte. Le résultat est à son image: instinctif, solaire et sensuel. Trois adjectifs qui ne sont pas sans rappeler l’univers du décrié Mektoub My Love: Canto Uno. L’affiche des deux longs-métrages est d’ailleurs quasi identique.
Mi Iubita mon amour brille par sa spontanéité et son impulsivité. Mais Merlant devrait prendre garde, car pour la suite de sa carrière derrière la caméra, elle devra aussi prouver qu’elle est capable de se détacher de son entourage afin de voler de ses propres ailes.
Ecrire à l’auteure: fanny.agostino@leregardlibre.com
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Crédits photos: © Tandem Films