Deux trentenaires amies de longue date, Audrey (Mila Kunis) et Morgan (Kate McKinnon), se retrouvent par un concours de circonstances au milieu d’une affaire d’espionnage, de clé USB et de terrorisme. Voilà résumé le film L’espion qui m’a larguée de la réalisatrice Susanna Fogel. Cela vous paraît flou? Le film l’est aussi à plusieurs égards. Mais là n’est pas encore le pire.
Le spectateur se rendant à ces comédies d’action hollywoodiennes souhaite la plupart du temps passer un bon moment. Il veut rigoler, sursauter, être happé et pourquoi pas s’émouvoir. Il suffit donc d’une bonne dose d’humour, de rythme, de bons sentiments et le tour est joué. C’est ce que nous nous attendions, non sans impatience, après avoir visionné la prometteuse – mais trompeuse! – bande-annonce de L’espion qui m’a larguée.
Il est des films, tels que le fameux Johnny English (2003) avec l’incomparable Rowan Atkinson, qui arrivent à mélanger le film d’espionnage à la James Bond avec des personnages loufoques, absurdes et des situations comiques, tout en nous touchant. Dans ce genre de longs-métrages très réussis, les «méchants» ne sont jamais si méchants et il n’y a pas de violence explicite. Le spectateur est entraîné dans un univers parallèle avec ses codes qu’il accepte avec plaisir grâce à l’humour.
L’espion qui m’a larguée est une sorte de Johnny English raté: certes nous retrouvons les protagonistes qui ne brillent pas par leur intelligence, mais le film est beaucoup trop violent pour qu’on soit à l’aise avec le côté comédie. Ce film hybride semble favoriser les scènes d’action: les courses-poursuites en voiture, les fusillades, etc. Or, en tant que film purement d’action, il est raté à cause de détails improbables dans une production «sérieuse» et en tant que comédie, il est beaucoup trop violent et ne se concentre pas assez sur un humour de qualité.
Tout paraît improbable dans ce long-métrage, à commencer par les sentiments et les réactions des jeunes femmes qui sont totalement irréels et superficiels. Le fait qu’Audrey ne réagisse pas à la mort de son compagnon par exemple ne fait pas d’elle une «femme forte» – ce que la réalisatrice et co-scénariste a probablement voulu souligner – mais plutôt une idiote au comportement absurde. D’ailleurs, le faux engagement féministe qui se cache derrière ce film est désolant. En plus du côté «révolutionnaire» de dépeindre deux héroïnes à l’écran, l’une d’elle se veut une défenseuse maladroite et ignorante des droits de la femme. Cela n’était pas nécessaire.
Il est également hautement improbable que deux voitures de police débarquent dans les dix secondes qui suivent un accident dans une si grande ville comme Vienne. A ce propos, L’espion qui m’a larguée respecte la tradition du film d’espionnage qui prend des allures internationales (ou plutôt européennes): les deux amies espionnes improvisées voyagent entre Prague, Berlin, Paris, Budapest et d’autres grandes villes d’Europe. Mais là aussi, l’ignorance hollywoodienne sur notre continent est aberrante. Mis à part les clichés classiques des Berlinois alternatifs et underground et des anglais élégants, le film est une série d’imprécisions grotesques. A moins qu’effectivement l’on puisse déguster une fondue au fromage dans un café chic de Vienne à onze heures du matin.
Mila Kunis est comme à son habitude sympathique dans son rôle de trentenaire pommée, mais cela ne suffit pas à sauver les meubles. L’improbabilité touche à son comble lorsque l’on se rend compte que ces espions ultra-entraînés ne font pas dans la dentelle et n’hésitent pas à détruire une série de lieux publics en plein milieu de journée, avec des fusillades, la destruction massive de bars en plein centre-ville d’où les touristes disparaissent comme par magie pour laisser place à des hordes d’espions. Quand a fortiori vous voyez la manière dont la fin du film est écourtée, vous vous dites que c’est vous qui auriez dû larguer l’espion.
Ecrire à l’auteur: virginia.eufemi@leregardlibre.com
Crédit photo: © Impuls Pictures
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