Le Netflix & chill du samedi – Loris S. Musumeci
Le sexe ça marche. En tout cas à l’écran. Succès de la pornographie, succès de Sex Education sur Netflix. Le sexe c’est attractif; c’est notre attraction à tous. Moteur de nos gestes et de nos mouvements. Moteur de nos audaces et de nos lâchetés. Alain Souchon l’a chanté: voir sous les jupes des filles, c’est l’affaire d’une vie. L’affaire qui absorbe toute une vie.
«Rétines et pupilles
Les garçons ont les yeux qui brillent
Pour un jeu de dupes
Voir sous les jupes des filles
Et la vie toute entière
Absorbés par cette affaire
Par ce jeu de dupes
Voir sous les jupes des filles»
Des écrans au lit
Mais souvent, le sexe marche moins bien au lit que sur les écrans ou dans les chansons. Incipit de chacun des huit épisodes de la première saison de Sex Education. Du problème d’érection au manque de passion, jusqu’au vagin qui ne se laisse pas explorer. Difficultés que rencontrent les jeunes du lycée Moordale.
Par un hasard plus ou moins incongru, l’établissement voit naître en son sein un assistanat à la sexualité. Point de sexologue, de psy, médecin ou pédagogue. Non. Mais un jeune, Otis, qui réussit à résoudre, par la seule force de ses mots, le problème d’impuissance d’un camarade. Ironie du sort, Otis est très mal à l’aise avec sa propre sexualité – pas une éjaculation à seize ans ce n’est pas dramatique, mais bon quand même space, surtout pour un sexologue en herbe. En fait, il est mal à l’aise tout court. Il veut rester discret et être le moins possible sujet au regard des autres.
Maeve, extravertie, sombre, autoritaire, pourtant très mignonne et baiseuse très pratiquante, assiste à l’exploit d’Otis. Il y a de quoi faire. Business plan et tout le tralala. Elle s’occupera du côté commercial de l’affaire, lui du côté pratique par des consultations de plus en plus nombreuses. Tout va bien, mais tout va mal. Parce que rien n’est jamais facile. Et parce qu’il faut bien que d’épisode en épisode il y ait des enjeux, des chutes, des gloires, des frustrations, des découvertes, des échecs, désespoirs… des espoirs.
On a compris, c’est bon
L’histoire est sympa, la jeunesse y a adhéré pour cette première saison, et n’attend que le 17 janvier 2020 pour se taper – puisqu’on parle de sexe – la saison deux. Mais que vaut vraiment la série? Elle compte son lot de conneries, de lourdeurs et de légèreté. Quand on se regarde toute la saison en une nuit, la lassitude est également de la partie, oui.
En outre, certaines manières, certains cris, certains propos, certains plans du bâtiment du lycée à répétition donnent presque la nausée à la longue. On a compris, d’accord. Untel est homosexuel, l’autre a une vie difficile, les profs sont soit trop gentils et niais, soit trop cons et méchants. Au niveau de la photographie, pas de frissons non plus; l’image n’est pas extrêmement soignée. La mise en scène ne fait preuve d’aucune originalité.
Manque de nuance
Quant à l’aspect plus sociétal et philosophique de la réalisation, c’est délicat. D’une part, le scénario a le mérite de lever des tabous, de décomplexer, de bien jouer de l’humour sur des problèmes des plus frustrants, d’autre part il appuie trop la question de la pression sociale vis-à-vis du sexe. Les personnages sont caricaturaux, donc drôles, mais cela ne sert pas toujours la nuance du propos.
Et ça baise à droite à gauche; Souchon a certes raison, mais Sex Education tend à renforcer l’obsession de manière contreproductive. La question morale n’est pas si malsaine qu’elle pourrait paraître aux yeux des prudes, il n’en demeure pas moins qu’elle ne pose jamais sérieusement à l’écran la proposition de l’abstinence en tant que reconstruction revigorante.
Les vraies causes des diverses impuissances sont souvent dissimulées au profit de futilités: pas de sentiments profonds, trop de plans projetés sur l’autre, pas assez de confiance en soi. C’est juste, mais ce n’est pas tout. Il faudrait explorer davantage les sujets du couple précoce, de la pornographie et de la masturbation; avec ce qu’ils ont de bon et de mauvais.
Une découverte qui ha-bite mon esprit
Que demande pourtant le peuple? Du pain et des jeux. Du divertissement. Du «Netflix & and chill». Il n’y a pas de mal, pas de honte. Sex Education, malgré ses défauts, répond à ces attentes. C’est tout à l’honneur des acteurs, qui de leur jeune âge, apprennent en apprenant. Tout à l’honneur de la réalisatrice Laurie Nunn qui répond par sa série à un besoin, et qui s’y engage avec force. Et dont le principale finesse réside dans son talent à articuler l’évolution de l’éducation sexuelle des jeunes en parallèle à l’évolution de leurs sentiments amoureux. Véritable découverte pour moi qui ha-bite – excusez le mauvais jeu de mots – mon esprit depuis la découverte de la série.
Sex Education, on te demande de nous habiter un plus pour la saison deux, de pénétrer la nuance avec plus de douceur, et de nous divertir toujours autant.
Ecrire à l’auteur: loris.musumeci@leregardlibre.com
Crédit photo: © Netflix