Le Regard Libre N° 15 – Jonas Follonier
Cela fait des millénaires que certains philosophes, religieux, intellectuels et autres gourous nous invitent à mépriser le corps, à nous détourner du sensible, du sensuel, du sentiment, à nous diriger vers le monde supérieur de l’intellect, du spirituel, du divin. Cela fait plus précisément depuis Platon, « le grand calomniateur de la vie » comme l’écrit Nietzsche, qu’une telle conception hante la pensée occidentale.
Et si nous arrêtions d’écouter leur baratin ? Et si nous nous disions que ce qu’il y a de plus haut, de plus beau (et non de plus faux et de plus sot) en l’homme consiste à user avec mesure de toutes ses facultés – spirituelles et sensibles – et de s’extasier de leur interaction ? Et si nous envisagions que si la vie est absurde, ce n’est pas parce qu’une meilleure vie nous attend dans l’au-delà mais parce que c’est justement le propre de toute chose d’être absurde (pourquoi y a-t-il quelque chose au lieu de rien…) et que cela nous invite à la meilleure transcendance d’ici-bas, j’ai nommé l’art ?
Le culte de la matière et l’apologie du Ciel sont des positions extrêmes ; pour ma part, je préfère le juste milieu de la musique qui donne un visage au temps, de la littérature qui donne une couleur au monde ou encore de la table qui nous donne la chance de pouvoir manger et non pas seulement nous nourrir comme les bêtes. Se retrouver entre amis (platoniciens ou non) autour d’une table, goûter à un vin, s’adonner au mélange des saveurs, pratiquer l’art de la conversation, voilà bien un paradis sur terre. Chantons ses folles délices et émerveillons-nous d’une découverte récente : l’estomac, de même que le cerveau, possède des neurones. Eh bien, chers lecteurs, tous à table !
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