Les bouquins du mardi – Lauriane Pipoz
Après une chute, Alice Love, trente-neuf ans, se retrouve amnésique: elle a oublié les dix dernières années de sa vie. Mère de trois enfants et en instance de divorce, elle se réveille alors convaincue d’être une jeune mariée enceinte. Sa vie, si différente, ne lui convient pas: son agenda déborde de tous les côtés et elle ne trouve aucun plaisir dans les activités qui sont devenues son quotidien.
D’une trame aussi simple que ça, Liane Moriarty érige un récit qui pourra parler à la plupart de ceux qui entament ou ont déjà entamé leur troisième décennie. Plus qu’une simple histoire, la retranscription fine de la psychologie des personnages nous permet de nous identifier à eux; mieux, cela nous donne envie de les accompagner et de nous questionner. Parce que leurs choix de vie ne nous semblent pas toujours les bons, nous nous sentons légitimes à les juger. Mais que penserions-nous de notre propre vie si nous ne connaissions pas le chemin parcouru pour en arriver là?
Ce livre aborde avec intelligence de nombreux thèmes universels; comme les idéaux qu’on oublie avec le temps, les déceptions qui ponctuent notre chemin, l’influence des événements de la vie sur notre personnalité, les compromis que nous devons faire avec nous-mêmes, ou encore les différences de perception d’une même situation. L’idée de montrer une protagoniste qui se découvre à travers les yeux des autres est aussi distrayante qu’enrichissante. Celle-ci se pointe tellement du doigt, s’accable de tellement de fautes que nous avons aussi envie de la condamner: ne fallait-il pas une grande négligence pour en arriver là?
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Avant de nous rappeler que, non, nous ne savons pas ce qui s’est passé dans sa vie. Il s’agit là d’une belle leçon, qui n’est pas présentée de façon brutale, mais qui s’impose naturellement et avec bienveillance au fil de l’histoire. Cette histoire, c’est aussi celle des personnages qui entourent Alice. Des personnes ni bonnes ni mauvaises. Juste ordinaires, dans leur vie ordinaire, qui font du mieux qu’elles peuvent. Ce sont votre ami, votre voisin, votre caissière ou votre comptable. Des personnages qui sont si bien décrits avec des émotions extrêmement subtiles.
En consultant ses autres livres, je me suis rendue compte qu’il s’agissait là de la force de Moriarty: nous faire éprouver de l’empathie envers ses personnages. Parmi l’éventail des émotions qu’elle nous présente, c’est la culpabilité qui semble le plus l’occuper – un sentiment ambivalent, qui est une véritable mine d’or pour qui sait le traiter. Si les premières pages de ses livres m’ont paru à chaque fois trop nombreuses, c’est certainement parce que l’auteure nous donne à voir les points négatifs de ses personnages avant leurs points positifs. Nous ne regrettons cependant pas d’avoir continué notre lecture et d’avoir fini par les comprendre. Une invitation à faire de même dans notre vie quotidienne?
Ecrire à l’auteur: lauriane.pipoz@leregardlibre.com
Crédit photo: © Lauriane Pipoz pour Le Regard Libre