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Rastignac au pays des cow-boys4 minutes de lecture

par Ivan Garcia
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Les bouquins du mardi – Ivan Garcia

Un jeune loup de la finance se lance dans l’acquisition d’un ancien site sidérurgique à l’abandon pour le compte d’un prince arabe. Mais, dans une Amérique profonde, les étrangers font peur. A force de toucher au patrimoine, l’homme d’affaires se trouve aux prises avec les cow-boys de la contrée. Un western moderne doublé d’une enquête policière qui entraîne le lectorat au sein de cette Rust Belt [ceinture de la rouille] qui a tant fait parlé d’elle à travers Donald Trump.  

Beast of the East est le premier roman de Jean-Noël Odier, un auteur au profil atypique. Entrepreneur franco-suisse résidant à Dubaï, ce dernier a été formé à l’université de Stanford et est, par la suite, devenu investisseur. Ses liens avec le milieu de la finance et du commerce transparaissent à la lecture de l’œuvre et dotent celle-ci d’un certain réalisme. Ce qui n’est pas sans rappeler certains auteurs tels que Balzac dans leur méthode d’écriture, alternant entre descriptions et dialogues dans un milieu bourgeois-mondain.  

Une narration à rebours

«Moi, Antonin Rasmussen, scandinave, protestant depuis onze générations, financier utopique et spéculatif, explorateur égaré d’une révolution industrielle en décomposition, je suis mort loin de chez moi, et je ne sais même pas pourquoi.»

A l’ouverture du roman, le lecteur se trouve confronté à un dispositif narratif ressemblant à une sorte de journal intime. Ce dernier – qui débute à la date du 4 juillet 2013 – présente le protagoniste, Antonin Rasmussen, et explique aux lecteurs qu’il est mort. A partir de cette déclaration – plutôt invraisemblable pour un narrateur –, l’œuvre devient une succession d’analepses narrant les péripéties d’Antonin au sein du Midwest américain. Nous avons donc affaire à une narration à rebours qui retrace les grandes lignes de l’histoire du protagoniste; ce dernier, homme d’affaires au service de l’émir Hamda bin Arfa, souhaite acquérir «The Beast of the East», l’usine sidérurgique de Weirton, située en Virginie-Occidentale.

Antonin Rasmussen est un golden boy qui a du flair, comme le lui font souvent remarquer les autres personnages. Cependant, au fur et à mesure qu’il tente de concrétiser la transaction, de vieux démons du Midwest s’opposeront à ses projets; parfois pacifiquement, souvent par la violence. Dans cette histoire tumultueuse, l’auteur déploie une fresque de personnages hauts en couleurs et tous assez excentriques, qui s’avèrent légèrement caricaturaux mais très agréables lors de la découverte du roman.

Ainsi, le lecteur croisera-t-il la route de Lord William Cazalet, grand conseiller d’Antonin, un gentilhomme anglais dont le passe-temps favori est l’étude de la guerre civile américaine, celle d’Ambarish Agarwal, magnat du développement durable, ou encore de personnalités locales de Weirton comme le sénateur Turbid, Marshall Conway, propriétaire d’une boutique d’armes à feu, ainsi que le duo père-fils Charles Conoy, et bien d’autres encore.

Une ode aux «géants de l’acier»

D’ailleurs, l’histoire se trouve fragmentée en trois récits distincts, comme pour souligner les fantômes qui hantent cette «Beast of the East». Le premier récit est, évidemment, celui d’Antonin, de son intérêt pour l’usine à sa mort. Or, celui-ci est entrecoupé par une enquête menée par Lucie Conway, la fille de l’armurier de Weirton tombée amoureuse de notre jeune Rastignac après lui avoir sauvé la vie, qui se lance dans une enquête sur le trafic  d’analgésiques.

Quant au troisième récit – romancé mais élaboré à partir de documents d’archives étudiés par l’auteur –, il s’agit d’une biographie fictive d’Ernest Weir, l’un des pionniers de l’acier américain et fondateur de la Weirton Steel de Weirton, dont la vie se dévoile à nos yeux et est mise en parallèle avec celle d’Antonin. Qui souhaite lui ressembler à bien des égards. A n’en point douter, Jean-Noël Odier offre une ode poignante aux «géants de l’acier» qui ont marqué l’histoire du Midwest américain et ont contribué à forger des identités fortes, ainsi que des mythologies.

En lisant Beast of the East, le lecteur part à la conquête de l’Ouest avec une ribambelle de figures qui lui rappellent un peu La comédie humaine de ce cher Balzac. Ce premier roman riche et intéressant, dans la veine d’un western, augure une très belle suite littéraire à Jean-Noël Odier, ce genre d’entrepreneur qui, pour écrire un roman, a mis les mains dans le cambouis… de l’acier. 

«La Bête de l’Est fut une créature d’acier grondante, avide, insatiable. Pendant près d’un siècle, elle engloutit des millions de tonnes de charbon et de minerai de fer avec la frénésie d’un animal féroce. Le complexe industriel de Weirton fut le théâtre d’une orgie de feu, de froid, de souffle vital, de forces telluriques et de puissance créatrice. La sidérurgie, c’est la guerre, la paix, la religion, les vertèbres et le sang des nations.»

Ecrire à l’auteur: ivan.garcia@leregardlibre.com

Crédits photo: © Ivan Garcia

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