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Etre gentil, est-ce bon ou mauvais pour la survie ?

4 minutes de lecture
par Léa Farine
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Le Regard Libre N° 25 – Léa Farine

Nous le savons tous, les abeilles sont kamikazes. Elles meurent après avoir piqué. Cependant, nous ne décelons pas forcément le paradoxe, de type évolutionniste, caché derrière ce comportement. En effet, le cas particulier des abeilles piqueuses contrevient aux lois générales de l’évolution. Nous devons donc l’expliquer si nous voulons conserver ces lois.

Pour bien comprendre, il nous faut d’abord exposer la loi générale évolutionniste, applicable à toutes les espèces animales. Chaque individu est guidé par une mécanique interne qui le pousse à essayer de survivre et de se reproduire. Au sein d’une même espèce, plus un individu vit longtemps et plus il a de petits par rapport aux autres individus de la même espèce sur le même genre de territoire, plus il est viable. Le terme évolutionniste spécifique pour la viabilité est « fitness ». Prenons l’exemple de deux girafes femelles : une girafe qui a vécu dix ans et qui a eu trois petits a une fitness plus élevée qu’une girafe ayant vécu neuf ans et qui a eu trois petits.

Les individus ayant une fitness élevée sont logiquement ceux dont le patrimoine génétique leur permet une bonne adaptation à l’environnement. Admettons que les premières girafes avaient un cou généralement plutôt court, avec des variations entre les individus. Les girafes avec un cou un peu plus long vivaient un peu plus longtemps, parce qu’elles pouvaient mieux manger les feuilles d’acacia, et elles avaient donc plus de petits, transmettant ainsi plus largement le gène responsable de la longueur du cou. Les petits girafons au cou plus long étaient également plus viables et donc, transmettaient à leur tour le ou les gènes responsables de la longueur du coup. Jusqu’aux girafes d’aujourd’hui, parfaitement adaptées à la consommation de feuilles d’acacia grâce à leur très long cou.

Le paradoxe de l’altruisme

Revenons à nos abeilles et à notre paradoxe, appelé « paradoxe de l’altruisme ». L’altruisme, en éthique évolutionniste, est défini comme un comportement diminuant la fitness d’un individu au profit d’un autre, de la même espèce ou d’une autre espèce. Par exemple, une abeille qui pique et meurt ensuite pour défendre la ruche a forcément une fitness moins élevée que l’abeille qui ne se sacrifie pas, puisqu’elle ruine ainsi toutes ses chances de devenir reine et d’avoir des larves. Or, les gènes en cause dans l’adoption de tels comportements altruistes ne devraient pas être transmis sur un grand nombre de générations, puisque par définition de tels comportements diminuent la fitness. Les altruistes, en fait, selon la théorie de l’évolution, relèvent d’une anomalie. Or la plupart des abeilles ouvrières piquent et meurent en cas de danger extrême. Pourquoi ?

Disons-le d’emblée : être purement gentil n’est jamais bon pour la survie. L’altruisme véritable n’existe pas dans la nature. Derrière d’apparents « dons de fitness » se cache toujours la promesse d’un avantage en retour. Sans entrer dans les détails complexes de la reproduction des abeilles, celles-ci ont en commun une grande part de patrimoine génétique. De plus, chaque sœur abeille est une potentielle nouvelle reine. Donc, l’abeille qui se sacrifie pour la communauté se sacrifie en fait pour ses propres gènes, qui sont de cette manière aussi largement transmis, voire plus, que si elle ne s’était pas sacrifiée. Il est par ailleurs extrêmement rare qu’une abeille défende directement un bourdon, même issu de la même ruche, parce que dans ce cas, le patrimoine commun n’est pas assez important.

La coopération profite aux individus

Par contre, et bien loin d’une interprétation de la théorie évolutionniste comme une lutte perpétuelle, la coopération, si on la comprend comme un don mutuel de fitness, est bien souvent extrêmement avantageuse quand il s’agit de se liguer contre des facteurs extérieurs. Les animaux vivant en groupe, par exemple, diminuent leur fitness en partageant leur nourriture mais la regagnent largement en bénéficiant de la protection mutuelle au sein du groupe. On rencontre également de très nombreux cas de symbiose ou de coopération entre espèces différentes, phénomènes toujours intéressants en termes de survie pour les individus impliqués. Un exemple amusant est celui des bactéries se trouvant dans notre estomac. Chacun d’entre nous en possède en moyenne un kilo et demi, composé de diverses espèces, appelé microbiotes. Ces bactéries survivent et se reproduisent parce que nous les nourrissons et, grâce à elles, nous pouvons transformer et digérer les aliments : la symbiose est parfaite. De plus, c’est encore la coopération qui a permis l’émergence des formes de vie actuelles les plus évoluées. En effet, la reproduction sexuée, par essence, est coopérative.

Une question demeure bien sûr en suspens : l’altruisme pur, tel que défini par la théorie de l’évolution, est-il possible chez l’être humain ? Ce problème est complexe parce que, dans ce cas, la notion de culture, dont nous ne pouvons faire l’économie théorique et qui se substitue bien souvent à une analyse à bas niveau en termes de gènes et traits ou comportements codés par ces gènes, complique considérablement la donne. Cependant, le paradoxe étant le même, la réponse est normalement non. Il y a de la coopération, sous la forme de mécanismes très complexes de dons et contre-dons, mais pas d’altruisme pur sélectionné au cours de l’évolution. Et s’il apparaît, parfois, par hasard, des individus purement altruistes, comme il apparaît parfois par hasard des girafes au cou court, ces individus sont des anomalies ou, peut-être, des petits miracles.

Ecrire à l’auteur : leafarine@gmail.com

Crédit photo : http://alimentation-generale.fr

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