Regard sur l’actualité – Nicolas Jutzet
La bonne étoile d’Emmanuel Macron ne s’est pas encore éteinte. D’aucuns ont vu en lui, dès le lancement de son mouvement, une étoile filante, une bulle médiatique appelée à éclater. Jusqu’ici, tout a donné tort à ces prophètes du malheur, bien trop occupés à conserver leurs privilèges pour s’occuper du ressenti venant directement du terrain. Un besoin de changement. Tout réussissait à Emmanuel Macron, salles de meeting pleines avec une ambiance survoltée, la relative indulgence d’une presse sous le charme du brillant jeune homme venu d’Amiens et un engouement populaire remarquable avec des réunions de marcheurs un peu partout en France.
La machine s’est quelque peu grippée ces derniers jours, notamment suite à son voyage en Algérie. Il devait venir confirmer sa stature «présidentielle», il aura ravivé certains vieux démons de l’histoire française, avec laquelle une frange de la population entretient une relation pour le moins compliquée. Emmanuel Macron avait raison sur le constat – la colonisation est assimilable à un crime contre l’humanité – mais politiquement, c’est une erreur de l’affirmer, surtout maintenant. Il prend le risque de voir ses propos sortis de leur contexte; personne n’a ainsi retenu qu’il rappelait également des conséquences positives de la colonisation. C’est également tendre une main salvatrice à un Fillon en pleine noyade. Cette incartade est d’autant plus dommageable qu’elle contredit l’une des habitudes qui m’a le plus convaincu dans le message de l’ancien Ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique : on ne rassemble pas sur les sifflets, les quolibets, en stigmatisant. Or, en remettant le sujet sur la table, il vient rouvrir les plaies de nombreuses personnes, celle des harkis, celle des pieds noirs, celle des Français d’origine algérienne, celle des binationaux.
Ajoutez à cela les ignares controverses au sujet de son «absence de programme», qui relève de la malhonnêteté intellectuelle tant sa vision est d’ores et déjà accompagnée d’une suite de mesures quantifiables, et vous expliquez une première chute dans les sondages. Cet emballement force Emmanuel Macron à promettre la sortie de «son programme» début mars, avec un cadrage budgétaire détaillé (c’est le seul élément qui lui manque réellement!). On glissera à ce moment-là dans une période qui, à l’instar des primaires, est néfaste pour la démocratie. Chacun, tel un vendeur à la criée, défendra son petit catalogue de mesures, faisant miroiter l’illusion de la capacité étatique à régler les problèmes des Français. Faire croire qu’un homme providentiel arrivera à sauver la France, par une frénésie de lois, de décrets dévoilés à l’avance, réduit le rôle du Président à celui d’un exécutant. La France et plus encore la Ve République ne sont pas taillés pour être dirigés par de simples gestionnaires, mais par des hommes dotés d’une vision forte. Le général de Gaules, Mitterrand hier, Macron aujourd’hui.
C’est pourquoi l’offre de ralliement d’un François Bayrou, longtemps persuadé de la dimension messianique de sa démarche, démontre que la profonde révolution, bien plus idéologique qu’économique, menée par Emmanuel Macron est juste. Les uns après les autres, les obstacles qui se dressaient face à lui se sont brisés. Il en reste encore, mais l’homme semble être né sous une bonne étoile. Il est celui qui pourra battre une Marine Le Pen au deuxième tour. Il va le faire. Le banquier sera roi.
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