L’association est un remède au repli sur soi dans les régimes démocratiques, où s’amenuit la dépendance à autrui qui prévalait dans les régimes féodaux. Elle permet également à ses membres de s’engager au-delà de leur intérêt personnel sans passer par l’Etat.
Les associations ont deux avantages qui font d’elles une institution fondamentale dans une démocratie. D’une part, leur fonctionnement lui-même démocratique est décentralisé, ce qui rend les décisions prises plus proches de la réalité des membres et réduit les risques de tyrannie de la majorité. D’autre part, il permet à des individus d’œuvrer au-delà de leur intérêt personnel sans passer par l’Etat, ce qui limite les pouvoirs de ce dernier. Il est d’ailleurs en général beaucoup plus simple d’entrer ou de sortir d’une association que de changer d’Etat – d’autant qu’on peut aisément n’être membre d’aucune association, ce qui confère à ces structures à la fois légitimité et flexibilité.
L’association est au fond l’organe par excellence qui consacre la liberté individuelle. Libre, l’adhérent a également des responsabilités, comme dans la vie. L’assemblée générale, formée par les membres, est chargée de nommer le comité de l’association, d’arrêter son budget… La présidence, la trésorerie, le secrétariat ont des comptes à rendre. En retour, l’Etat garantit la liberté d’association. Les fondateurs d’une telle aventure peuvent ainsi lui donner naissance à travers des statuts sans besoin de validation extérieure.
Pendant non-lucratif de l’entreprise, l’association dans sa version la plus courante donne une valeur aussi bien civique qu’initiatique à la liberté individuelle. Plus que la rencontre entre une offre et une demande, le volontariat non-rémunéré – et en l’occurrence formel – est un don de soi au service d’un but commun. Il permet à la fois le développement de l’individu et celui de la société.
L’association s’avère un remède au repli sur soi dans les régimes de suffrage universel, où s’amenuit la dépendance à autrui (suzerain ou vassal) qui prévalait dans les régimes féodaux. En se fondant sur son observation de l’Amérique, Alexis de Tocqueville l’a brillamment résumé en 1835: «Pour que les hommes restent civilisés ou le deviennent, il faut que parmi eux l’art de s’associer se développe et se perfectionne dans le même rapport que l’égalité des conditions s’accroît.»
En bien des points assimilable au système de milice, à ceci près que personne n’est jamais contraint de prendre part à une activité associative, celle-ci porte l’esprit milicien en d’innombrables endroits de Suisse, pays au monde à compter la plus grande densité d’associations. On y recense actuellement environ 100 habitants pour 1 association. Et en 2022, selon l’Office fédéral de la statistique, plus de la moitié de la population helvétique de 16 ans et plus participait à des activités associatives ou y apportait un soutien passif.
Ainsi, une association – cela se vérifie dans le cas du Regard Libre – peut donner du sens à ses membres en leur permettant d’acquérir des compétences, de nouer des contacts, de diversifier leurs expériences, le tout en offrant quelque chose à la collectivité. En ce qui concerne cette revue, nous nous efforçons de développer une voix éditoriale différente du reste de la sphère médiatique, de devenir un point de rencontre pour les intellectuels romands, et plus largement francophones, de former une relève et d’aborder en profondeur certaines questions actuelles, en faisant dialoguer les disciplines et entrer un peu de passé dans le présent, pour tenter d’imaginer son avenir.
Le système de milice a justement fait l’objet de nos réflexions principales ce mois-ci. Une fois n’est pas coutume, nous réservons donc un dossier à un phénomène que nous assumons d’approuver, puisque nous y participons. Bonne lecture et vive la milice!
Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com