Les lundis de l’actualité – Clément Guntern
En 2006, alors conseillère fédérale en charge du Département des affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey lançait l’idée d’une candidature suisse au Conseil de sécurité de l’ONU. Depuis, l’idée progresse dans les esprits et, en 2011, le processus est lancé lorsque la candidature officielle de la Suisse est envoyée. Cependant, l’image d’une petite Suisse neutre siégeant dans la salle du conseil à New-York a du mal à passer chez certains, surtout à droite.
Le scepticisme traditionnel en politique étrangère reste le lit de l’UDC. Pourtant, parfois, il s’étend à d’autres partis comme le PLR et le PDC. A l’intérieur de ces formations, on doute désormais du bien-fondé d’une telle candidature pour la neutralité suisse, mais aussi de l’utilité de la participation de la Confédération à l’instance onusienne. Certains élus ont même déclaré que, si la Suisse accédait au Conseil de sécurité, la neutralité ne pourrait plus être respectée. Le président du PDC a déclaré qu’y siéger, «c’est conduire la neutralité de la Suisse à la cuisine du diable». La neutralité est visiblement toujours autant incomprise.
Le diable se cacherait-il donc à New-York? Pour rappel, la mission du Conseil de sécurité en vertu de la Charte des Nations Unies, que la Suisse a ratifiée, est d’assurer la paix entre les Etats, que ce soit en imposant des sanctions ou en décidant d’opérations militaires. En tout cas, le Conseil constitue un lieu privilégié de dialogue au plus haut niveau mondial non seulement sur des sujets brûlants mais également sur des thèmes ne figurant pas à la une de tous les journaux.
Le problème de la neutralité ne se pose même pas dans ce cas, car lorsque le Conseil de sécurité prononce des sanctions ou prend une décision, ce ne peut se faire qu’à l’unanimité des membres permanents, puisqu’ils possèdent tous un droit de veto. Vu que l’ONU peut être considérée de nos jours comme une organisation universelle du fait de la représentation de presque tous les pays de la planète, alors la décision d’une opération militaire ou de sanctions ne doit plus être considérée comme un acte unilatéral d’un Etat mais bien d’une opération de police entre Etats. Dès lors, la neutralité n’est pas engagée. Même si la Suisse ne sentait pas à l’aise par rapport à une décision, elle ne serait pas forcée de voter de telles résolutions.
Ainsi, poser la neutralité comme incompatible avec le Conseil de sécurité, c’est aussi dire que l’ONU est inconciliable avec elle. Un raisonnement que peu de gens tiennent à l’heure actuelle en Suisse, tant il a été prouvé depuis 2002 et l’adhésion de la Confédération à l’organisation. En effet, les instances onusiennes n’ont jamais réellement mis en danger ni la neutralité ni l’intégrité du pays. Au contraire, une participation de la Suisse au Conseil ne pourrait être que bénéfique tant par la visibilité qu’elle accorde que l’utilité pour les engagements de Berne en faveur de la paix et du développement dans le monde.
Même si la neutralité peut être sujette à interprétation en temps de paix, un engagement à l’extérieur du pays est souhaitable du point de vue de ses intérêts propres tout en conservant une intégrité, une impartialité et des valeurs qui garantissent sa neutralité dans les affaires du monde.
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