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«La Fraternité»: le drame du Temple solaire vu de l’intérieur5 minutes de lecture

par Jean Friedrich
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Ordre du Temple solaire © Point Prod

Près de trente ans après les massacres de l’ordre du Temple solaire, une série documentaire revient avec profondeur sur les raisons humaines du drame. Un récit enrichi d’archives et de témoignages inédits pour lever encore davantage le voile sur l’horreur sectaire.

La tragédie, personne ne l’a oubliée. Des tueries et suicides collectifs qui ont coûté la vie à 74 personnes en Suisse, en France et au Québec. Toutes liées à la secte de l’ordre du Temple solaire (OTS). De nombreux films et documentaires ont déjà vu le jour sur une affaire aux multiples zones d’ombres. Avec La Fraternité, le journaliste Eric Lemasson et le réalisateur Pierre Morath co-signent une série documentaire qui éclaire encore davantage les drames de 1994, 1995 et 1997.

L’œuvre, bien ficelée et exploitant les codes de la série, donne la parole à d’anciens protagonistes de l’OTS restés muets jusqu’ici et dévoile des archives inédites de l’organisation. De quoi enrichir un récit qui s’efforce de remonter aux origines résolument humaines de l’escalade fanatique. Un tour de force de la part de la Radio Télévision Suisse (RTS), qui tient déjà une place de choix parmi les propositions de la chaîne.

Avant l’acmé, la genèse

Les précédentes productions sur l’affaire prenaient les massacres de l’OTS comme point d’ancrage de leurs récits. C’est le cas de Temple solaire: l’enquête impossible (2022) de TMC, qui tente de démêler les éléments judiciaires à la manière d’un polar. Une perspective qui s’apparente à un «puits sans fonds», a indiqué le co-auteur de la série Pierre Morath au journal Le Temps. La Fraternité renverse la perspective, en narrant les événements avant même la création de l’OTS. Dès les premières secondes du documentaire, le propos est centré sur ce qui a en premier lieu convaincu les membres du groupe à adhérer à ce mouvement. La fraternité, évidemment.

Ainsi, l’Ordre apparaît d’abord non pas comme la secte dangereuse que l’on sait être aujourd’hui, mais comme l’eldorado d’humanité qu’y ont trouvé les premiers adhérents. «Y régnait un amour, un partage, une spiritualité que je n’avais jamais vus ailleurs», selon les mots du chef d’orchestre Michel Tabachnik, ancien membre. Celui-ci d’ajouter que la communauté était en plus «très ouverte sur le monde». C’est bien sur le terreau de l’amour et de la bienveillance qu’ont pu germer et se développer les croyances ésotériques les plus folles, jusqu’au macabre «transit sur Sirius», consécration des membres de la secte censée survenir par la mort. Une fin tragique également possible par une série de manipulations de la part du gourou Joseph Di Mambro.

Michel Tabachnik, numéro trois ou bouc émissaire

Michel Tabachnik a longtemps été considéré comme le troisième homme de l’OTS. Il avait même présidé la fondation Golden Way, à partir de laquelle est née la secte. C’est en grande partie sur lui que repose le récit, dynamisé et rendu plus vrai que nature par ses témoignages éloquents, parfois douloureux.

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Le fait que cet homme intelligent qui donnait des conférences aux adeptes et qui a signé les écrits ésotériques composant une partie de leur doctrine se défausse de toute responsabilité morale peut en revanche troubler, voire irriter. Les analyses externes du journaliste et co-auteur du documentaire Eric Lemasson, qui a suivi l’affaire depuis 1994, et de Jean-François Mayer, expert en mouvements religieux, permettent de mettre en perspective ses dires, et le rôle ambivalent, «un pied dedans, un pied dehors», qu’il a joué dans le groupe.

«Quittons la maison avant qu’elle ne brûle»

La série fait enfin apparaître en filigrane une question épineuse: celle de la liberté de croyance. En constatant les événements tragiques auxquels ont mené les idées de l’OTS, on s’indigne nécessairement contre les systèmes sectaires. Peut-être jusqu’à vouloir interdire purement et simplement les groupes ésotériques trop éloignés du paysage religieux traditionnel, ou impliquant une trop grande distance de leurs membres avec le reste de la société. Or, si les croyances ésotériques peuvent en effet constituer un terrain glissant, leur interdiction s’apparenterait à un écueil liberticide et arbitraire, peu souhaitable dans un Etat de droit. Il reste délicat de définir juridiquement ce qui constitue une secte ou non.

Michel Tabachnik le rappelle en début de série: «Une communauté, c’était très à la mode à l’époque». Les années 80 et 90 ont en effet vu éclore de nombreuses mouvances, allant de la promotion du mieux-vivre et de l’agriculture biologique à l’annonce de la fin du monde. Les années OTS, c’est la fin des Trente Glorieuses, quand la crise pétrolière met l’économie à genou et le monde redoute la catastrophe nucléaire. Un terreau très fertile pour des communautés comme celle-ci, qui en préparant ses fidèles au transit vers Sirius prétendait les faire accéder à un monde meilleur.

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Pandémies, dérèglement climatique… l’idée d’apocalypse a encore de beaux jours devant elle. Certains groupements l’exploitent aujourd’hui même en Suisse, sous d’autres formes. Et si cette histoire était amenée à se reproduire?

Ecrire à l’auteur: jean.friedrich@leregardlibre.com

Les 4 épisodes de 53 minutes chacun sont d’ores et déjà disponibles sur la plateforme de streaming de la RTS Play Suisse. La série sera diffusée sur RTS Un le 8 février 2023 (épisode 1 et 2) et le 15 février 2023 (épisode 3 et 4).

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