Les lundis de l’actualité – Clément Guntern
Le Moyen-Orient n’en est pas à bout de ses difficultés. Les tensions entre les Etats ainsi qu’entre les différentes communautés religieuses ou ethniques apparaissent dans de nombreux pays. Une nouvelle ligne de front s’est ravivée ces dernières années avec une confrontation entre deux puissances régionales que sont l’Arabie saoudite et l’Iran. Ces deux Etats qui représentent chacun une communauté religieuse, respectivement le sunnisme et le chiisme, s’affrontent dans toute la région. La puissance iranienne qui a adopté une position plus agressive dans la région provoque la peur de son rival saoudien, qui voit la république islamique d’Iran se déployer dans tous les conflits.
L’équilibre de la région risque d’être perturbé et la contre-attaque saoudienne n’a pas tardé partout où l’Iran s’est engagé. Notamment au Yémen, où l’Iran soutient les rebelles contre le gouvernement. L’Arabie saoudite s’est vue obligée d’intervenir dans ce pays limitrophe avec le soutien de plusieurs autres pays arabes. En Syrie et en Irak également où le régime iranien a même déployé des hommes pour soutenir les gouvernements en place, chiites bien évidemment. Au Liban, finalement, où Téhéran soutien le groupe armé et parti politique Hezbollah, fervent chiite lui aussi.
Saad Hariri, le premier ministre libanais, a formé en 2016 un gouvernement d’entente composé de toutes les factions du pays (chrétienne, chiite et sunnite). Cet homme politique sunnite est un adversaire du Hezbollah, qui comme nous l’avions dit est soutenu par l’Iran. Et c’est bien ce dernier groupe que les saoudiens ne veulent pas voir au sein du gouvernement libanais, de peur que l’influence iranienne ne s’y développe. Pour ne pas infirmer les appréhensions du royaume saoudien, le président du Liban, Michel Aoun, a entamé une normalisation des relations avec la Syrie en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies. Riyad n’a évidemment pas manqué de le remarquer et s’est empressé d’agir contre le camp adverse.
Le premier ministre libanais, qui détient de forts liens avec l’Arabie saoudite, par sa fortune ou sa famille, a reçu un soutien important de la part de ses alliés sunnites pour son parti politique. A la surprise générale, le 4 novembre dernier, Saad Hariri annonce sa démission depuis l’Arabie saoudite pour protester contre la mainmise de l’Iran et du Hezbollah sur le Liban. A Beyrouth, beaucoup pensent que le premier ministre a été forcé de démissionner sous la pression de l’Arabie saoudite, notamment le président libanais Aoun.
Dans cette affaire, l’Arabie saoudite ne s’est pas montrée très habile dans sa volonté de préserver son influence au Liban et de combattre celle de l’Iran. Le premier ministre a laissé beaucoup de doutes sur la sincérité de ses propos et le royaume s’est retrouvé dans la peau d’une puissance interventionniste. Le royaume saoudien s’est retrouvé dans une position inconfortable alors qu’il essaie de se montrer comme un partenaire fiable vis-à-vis des Occidentaux, afin d’obtenir leur soutien face à la puissance iranienne. Notamment l’autorisation de conduire pour les femmes, qui n’est certainement pas qu’une mesure féministe mais aussi une tentative de s’attirer les bonnes grâces de l’ouest.
La France a su saisir cette occasion et a sorti l’Arabie saoudite d’une situation difficile en faisant venir Hariri à Paris. La France se repositionne ainsi quelque peu au Moyen-Orient et peut simultanément honorer sa relation particulière et historique avec le pays du cèdre.
Ce jeu de puissance qui se déplace vers l’ouest menace un pays extrêmement fragile, divisé entre plusieurs communautés essayant tant bien que mal de cohabiter après une terrible guerre civile. La réémergence des divisions internes par plusieurs puissances régionales ne peut que menacer ce pays fragile de replonger dans la guerre. Ce nouvel épisode de la confrontation à distance que se livrent les deux puissances risque un fois de plus de ravager un pays de la région.
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Crédit photo: © Radio-Canada.ca