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«Cómprame un revólver» ou l’enfance volée3 minutes de lecture

par Virginia Eufemi
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Neuchâtel International Fantastic Film Festival (NIFFF) – Virginia Eufemi

Mexique, à une date indéterminée, les narcotrafiquants ont pris le pouvoir d’une zone désertique du pays. Dans une caravane près d’un stade de baseball vivent un père et sa fille âgée de huit ans environ (Matilde Hernández Guinea) ; l’homme (Rogelio Sosa) doit entretenir le terrain – dont l’ordre détonne avec le chaos ambiant – et être au service de la bande sans pitié de dealers. Dans ce carré de monde ravagé par la violence et la terreur, il n’y a plus de femmes. Elles sont enlevées, comme la mère et la sœur aînée de notre petite protagoniste et narratrice.

Pour cette raison, le père de la fillette la prénomme Huck, l’habille en garçon et lui fait porter souvent un casque et un masque pour cacher son genre. Huck porte souvent une longue chaîne à la cheville, car « ici tout se vole ». Le duo père-fille réussit à survivre, malgré la peur et les parties de cache-cache récurrentes pour fuir les narcos, jusqu’au moment où le chef du gang décide de donner une fête.

Ce long-métrage de Julio Hernández Cordón, présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en mai dernier, était projeté en première suisse hier soir au NIFFF, dans la catégorie « El Dorado », qui regroupe les pépites du cinéma de genre latino-américain. La particularité de Cómprame un revólver est le regard de Huck sur cette réalité violente et impitoyable. La subtilité de ce film réside dans le fait que l’adulte-spectateur, qui voit ce monde à travers les yeux de la fillette, se rend parfaitement compte de ce qu’il se passe, malgré l’innocence du regard. Lorsque les membres du gang, armés jusqu’aux dents, débarquent arborant des petites robes fleuries sur leurs gilets pare-balles, nous imaginons avec horreur le sort des propriétaires de ces robes. Or, rien n’est vraiment dit, expliqué, c’est au spectateur de faire tout le travail.

Là réside le point fort de ce film : la violence n’est pas étalée, exposée, elle est suggérée, ce qui rend les scènes encore plus puissantes. Mais surtout, Julio Hernández Cordón joue habilement avec les codes du genre et les attentes du spectateur. Ce long-métrage mexicain et colombien nous surprend constamment, l’issue n’est jamais celle que nous avions imaginée, le réalisateur maîtrise la prévisibilité et bouleverse les règles du jeu, tout en gardant un fort réalisme.

Cómprame un revólver parle de la chance, qui semble accompagner certains individus, mais aussi de l’amitié entre Huck et trois Garçons perdus qui font la guerre aux pirates. Nous percevons la détresse d’un père, qui, malgré ses travers, tente avant tout de protéger sa fille en père aimant. Ce qui marque est le courage des enfants du film, qui grandissent dans une réalité qui les a endurcis et leur a volé l’insouciance de l’enfance. Cependant, Huck garde une part d’innocence qui la protège des horreurs qu’elle vit, ce qui rend le personnage d’autant plus touchant.

Enfin, ce film octroie une place intéressante à la femme : une « statue des mamans » représente les mères absentes, qui semblent être exploitées, mais dont leur réel destin nous est inconnu. Ce que nous savons, c’est que si la réalité de Cómprame un revólver nous paraît être la conséquence d’un pouvoir masculin, les femmes semblent avoir une présence subtile qui nous fait penser qu’elles occupent une place plus importante dans cette société. Et si ce n’était pas les femmes qui dominaient cette réalité ? Le film est à voir le vendredi 13 juillet prochain au NIFFF.

COMPRAME UN REVOLVER (Julio Hernández Cordón) – NIFFF – El Dorado
Cotations :F
Fuyez !
FFFFF
Frustrant
FFFFFFFFF
Fantastique !
Virginia EufemiFFFF
Thierry Fivaz
Jonas Follonier
Hélène LavoyerFFF

Ecrire à l’auteur : virginia.eufemi@leregardlibre.com

Crédit photo : © NIFFF

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