Les mercredis du cinéma – Alexandre Wälti
Antoine Blossier livre une pâle copie des Choristes de Christophe Barratier. L’histoire de l’orphelin existe au moins depuis le XVIIe siècle et la retranscription de contes oraux par Charles Perrault. Pensons au Petit Poucet. Autrement dit, si l’on met en images ce lieu commun, alors il faut le faire avec des yeux nouveaux et de manière innovante. Rémi sans famille est même trop mal réalisé pour n’être juste qu’un beau et touchant film de fin d’année.
Je ne peux pas introduire différemment cet article autant mal à l’art que cela me fasse. Les premières scènes du film montrent déjà des manquements presque terrifiants dans la direction d’acteurs. Je n’ai cru à aucune émotion des protagonistes. Une impression qui m’a ensuite accompagné durant toute la projection. C’était comme Dallas, mais dans une famille campagnarde et en suivant deux vagabonds d’un épisode à l’autre.
Une ou deux fulgurances, seulement
Certes, Maleaume Paquin irradie l’écran. Voilà qui est certain, mais c’est tout et ce n’est pas assez. Evidemment que les représentations et la bienveillance du saltimbanque Vitalis (Daniel Auteuil) proposent leur lot d’émerveillements. Cependant, l’ensemble ressemble trop à la succession suivante: joie, deuil, tristesse, joie, deuil, tristesse; et ceci jusqu’à la fin. Peut-être l’effet film de fin d’année.
Le problème principal? Les relations compliquées de l’enfant avec ceux qu’il aime ne prennent pas. Et donc, comme une grande partie de la trame du film dépend de la recherche identitaire du petit Rémi (Maleaume Paquin), je n’ai pas pu m’identifier à son âme ni à l’attachement qu’il a pour ceux qui l’entourent. Je n’ai ressenti aucun sentiment de l’enfant ni des autres personnages. Tout est dit! Le film est fade.
Refaire ce qui a été fait
Une question s’impose à présent pour basculer vers une analyse à peine moins subjective et proposer peut-être une réflexion plus large: à quoi bon reprendre l’histoire d’un orphelin, déjà écrite de surcroît, et faire comme ce qui a déjà été fait et refait jusqu’à présent?
Le cinéma doit évoluer. C’est d’autant plus capital lorsqu’un réalisateur reprend étape par étape les codes d’un certain genre de film. Quand en plus l’histoire initiale, inspirée du roman Sans famille d’Hector Malot, a déjà été adaptée au petit écran au Japon comme en France. Bref, si l’on amène pas du nouveau, alors on se plante.
C’est là que le parallèle en opposition avec Les Choristes semble faire sens. D’autant plus que le petit Rémi a aussi une voix d’ange comme Pierre Morhange. Celle qui devrait le sauver de la fatalité de sa condition de «pauvre, orphelin et sans identité». Le film de Christophe Barratier montre plus évidemment l’affection du personnage principal pour son entourage, son urgence aussi de trouver quelqu’un ou un lieu auquel s’accrocher pour donner sens à sa vie. Il sonde ainsi l’abandon et le gouffre affectif.
Orphelin en apparences
Antoine Blossier filme, lui, uniquement la surface de ses personnages et manque de faire surgir leur intimité blessée. Il est peut-être tombé dans le piège du film d’époque et de costumes – par ailleurs très soignés grâce à la costumière Agnès Beziers. Rémi et son maître Vitalis vont, vagabonds, d’une aventure à l’autre, sans surprises. Rémi est au bas de l’échelle sociale et la remonte un peu par hasard en même temps que la superbe de Vitalis diminue. Déjà vu, déjà connu.
Ecrire à l’auteur: alexandre.waelti@leregardlibre.com
Crédit photo: © Pathé Films
Rémi sans famille |
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France, 2018 |
Réalisation: Antoine Blossier |
Scénario: Antoine Blossier |
Interprétation: Daniel Auteuil, Maleaume Paquin, Virginie Ledoyen, Johnathan Zaccaï, Ludivine Sagnier, Albane Masson |
Production: TF1 Films Productions |
Distribution: Mars Films |
Durée: 1h49 |
Sortie: 12 décembre 2018 |