Connu avant tout pour être à la tête du Palmashow, Jonathan Barré entame une carrière solo en écrivant et réalisant son propre récit. Comédie noire à la réalisation accidentée, Bonne Conduite a du mal à se détacher de l’humour qui a fait connaître la célèbre troupe.
Pauline Cloarec est psychologue pour une cellule de stage de récupération de points de permis. Elle profite de son travail pour repérer les chauffards irrécupérables et les assassiner sur la route en prévision de la sortie prochaine du tueur de son compagnon, décédé cinq ans plus tôt lors d’un accident. Mais la mécanique huilée va bientôt s’enrayer. Cela, à cause de trois problèmes principaux.
Mieux vaut un bon thriller ou une bonne comédie qu’un mauvais thriller comique
Premier problème: le film ne sait pas ce qu’il veut véhiculer. L’histoire commence par des plans léchés, une esthétique proche de certains polars nordiques ou d’un Nicolas Winding Refn, la tension monte, la musique est sourde, puis, subitement, une blague. Lourde et prévisible. Et c’est toute la mécanique de la scène qui est rompue. S’en suit un accident filmé au drone dans une obscurité quasi totale et un ralenti presque parodique tant il sort le spectateur de la scène. Bienvenue dans Bonne Conduite, un film de sortie de route.
Nous découvrons ensuite Pauline, interprétée très maladroitement par Laure Calamy (brillante actrice au demeurant) et sa flopée de stagiaires voulant récupérer leurs points de permis, tous plus caricaturaux les uns que les autres. Parmi eux, Jean-Yves Lapick, joué par un très bon Tchéky Karyo, qui sera l’antagoniste principal. Cependant, celui-ci est trop grotesque pour être sérieux et donne une impression constante de parodie. Alors que Pauline essaie de l’assassiner le soir suivant, une erreur d’inattention, profondément stupide et irréaliste pour le personnage, déclenche une réaction en chaîne. Démarre alors une enquête-vengeance ridicule qui ne tient que par l’idiotie généralisée des personnages et où chaque scène de tension est désamorcée par un gag.
Le souci de faire tourner les copains
Le deuxième problème du film vient de son casting. Hormis Calamy et Karyo, l’entier du casting a figuré dans la troupe du Palmashow, ayant fait ses classes sur internet à coups de sketches parodiques unanimement salués. Même si David Marsais et Grégoire Ludig – les deux humoristes principaux – sont très bons dans leur rôle, ils font du Palmashow: accent, comique de rupture, personnages décalés, inaptes et stupides. Le problème, c’est que c’est à eux que le scénariste confie l’enquête – et que celle-ci ne tient 1h35 que parce qu’ils sont incompétents. Le spectateur perd alors tout investissement émotionnel et toute «peur» pour Pauline, puisqu’on sait qu’elle ne risque rien.
De même, lorsqu’on voit Laure Calamy en continuel contretemps, on se demande si Jonathan Barré savait quoi faire d’elle dès le départ. C’est en effet très rare qu’il fasse tourner quelqu’un qui ne soit pas intervenu dans un sketch auparavant et cela se ressent dans son jeu. Trop enjouée lors des scènes dramatiques, récitant trop son texte lors des blagues, elle est malheureusement toujours à côté et empêche le spectateur d’être investi.
Une écriture compliquée
Troisième et dernier problème de Bonne Conduite, son souci majeur en fait, l’écriture. Au cinéma, l’une des règles originelles est le show, don’t tell (montrez, ne dites pas). Si quelque chose doit être raconté pour faire avancer le récit, il faut que ce soit au moyen d’une caméra. Sinon, faites un roman. Là où le film aurait gagné à présenter son personnage principal et ses enjeux par des actions, il ne le fait que par ce qu’on appelle le «dialogue d’exposition» – qui consiste à faire raconter par un personnage tous les éléments précédents permettant de comprendre l’intrigue. Mais le résultat est toujours grossier, et souvent inutile.
C’est ainsi Pauline qui, dès la cinquième minute de film, raconte à son défunt compagnon (qu’elle conserve dans une urne) toute l’intrigue précédant le récit, son but, ses moyens, ses raisons, etc. Le problème, c’est que jamais, dans la vie réelle, quelqu’un n’agirait comme cela, pour la simple et bonne raison que les personnages sont déjà au courant. C’est le syndrome des Experts qui expliquent à leurs collègues de bureau l’utilisation de leurs outils de travail quotidiens afin que le spectateur ne soit pas perdu. Tout le scénario en est donc alourdi, on est conscient d’assister à un film (ce qui est la pire chose au cinéma), et on perd notre intérêt pour les enjeux.
En somme, si quelques blagues sauvent la séance (notamment la scène de camouflage de la voiture), Bonne Conduite aurait probablement gagné à être une vraie comédie parodique pur jus. C’est hélas plutôt un produit bicéphale dont la tension n’est jamais prenante ou jamais drôle très longtemps.
Ecrire à l’auteur: mathieu.vuillerme@leregardlibre.com
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