Quatre ans après En liberté!, Pierre Salvadori revient avec La Petite Bande, une comédie parfaite pour un été caniculaire. Un film qui offre un voyage double, à la fois dans les magnifiques paysages corses et dans un début d’adolescence où tout pouvait sembler possible. Mais le film ne risque-t-il pas de se limiter à une nostalgie idéalisée et un peu facile?
Notre histoire se déroule dans un village corse, baigné par un soleil tendre – mais jamais caniculaire – et des ruisseaux magnifiques invitant à la baignade. Dans ceux-ci s’écoulent les produits chimiques d’une ombre recouvrant toute l’idylle des lieux: une usine monstrueuse, à la tête de laquelle nous retrouvons une caricature de directeur misanthrope (Pio Marmaï). Cinq jeunes collégiens décident alors de former une petite bande pour tenter modestement… de faire exploser l’usine.
Jeunesse innocente
Construire un film autour d’une poignée de jeunes à peine adolescents figure sans doute parmi les défis les plus difficiles à relever en termes d’écriture. On le constate au moins chaque année, le dernier exemple en date étant la production Netflix Les Liaisons dangereuses, qui sera sans doute aussi vite oublié qu’il a été moqué. C’est que bien souvent, il est difficile de camoufler l’adulte qui s’exprime à travers les enfants. Mais pourquoi pas s’exprimer en adulte? Parce que l’enfant, c’est celui de Dostoïevski: il est encore pur, innocent et met en lumière par ses constats désarmants de simplicité toute l’absurdité de la société. C’est dans cet apriori romantique, dans ce piège d’illusion que La Petite Bande semblait se diriger à travers la thématique écologique. La tentation de parsemer les dialogues de petites phrases intelligentes – mais justement trop intelligentes pour cet âge – a dû être grande.
Pourtant, l’écriture de La Petite Bande est bien plus subtile et agréable que ça. C’est peut-être même la pièce maîtresse de ce film: les dialogues sont crédibles. Chaque réflexion de ces jeunes têtes sonne juste, chaque idée paraît cohérente, l’univers de cette enfance est pleinement préservé et il faudra vraiment se forcer pour tenter d’imaginer l’adulte derrière le texte. Ces répliques sont portées par un casting tout à fait surprenant dans sa maîtrise! La bande est très bien dirigée, investie, et encore une fois servie par une écriture impeccable. Nous croyons aux membres de cette clique, à leurs motivations, à leurs problèmes, à leurs moments de joie et de tristesse. Plus encore, nous les soutenons.
Mention spéciale au plus jeune Paul Belhoste, incroyablement crédible dans le rôle du petit harcelé, dont le physique l’aurait projeté tout droit au casting de La Cité des Enfants Perdus de Caro et Jeunet, à une autre époque. Les jeunes sont si crédibles qu’ils volent même la vedette à Pio Marmaï, peut-être parfois trop à l’aise en (presque) seul adulte du casting, et qui se laisse aller à un cabotinage pas toujours de bon ton. Mais cela ne nous empêche pas d’éprouver un réel plaisir à voir ce groupe tenter de faire exploser une usine avec des plans toujours plus maladroits les uns que les autres.
L’écologie, une seconde cause éternelle
Avec un enjeu de la sorte, on peut s’attendre aussi à un spot de prévention un peu maladroit concernant l’écologie. Là encore, le film surprend avec un regard cynique porté sur la situation. Car, petit à petit, la grande cause s’étiole derrière les véritables motivations des personnages. Derrière les rires point le drame.
Par exemple, l’occasion de passer plus de temps avec la fille dont on est amoureux ou encore simplement la possibilité d’avoir des amis. Des motivations qui semblent plus légères et qui cachent pourtant les drames bien réels que l’on peut rencontrer à cet âge: si le personnage court après la fille qu’il aime, c’est aussi pour fuir le père qui le bat. Le benjamin voit dans ses nouveaux amis le moyen de se dégager enfin du harcèlement scolaire dont il est victime au quotidien. Il n’y a pas plus de place pour la cause environnementale, seulement un prétexte pour des enjeux ô combien plus importants pour ces jeunes. Face à nos motivations individuelles, l’écologie sera la perdante éternelle.
La Petite Bande s’inscrit avec brio dans ces films qui articulent avec talent la comédie au tragique, le tout dans un paysage sans cesse magnifique. On espère constamment que les plans des jeunes marcheront, mais pas complètement, histoire de nous garder encore un peu en leur compagnie dans cet univers estival. Tous ces éléments en font sans doute l’œuvre à ne pas rater cet été.
Ecrire à l’auteur: jordi.gabioud@leregardlibre.com
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Crédits photos: © Roger Arpajou / Les Films Pelléas / Gaumont / France 2 Cinéma / Tovo Films