Neuchâtel International Fantastic Film Festival (NIFFF) – Hélène Lavoyer
Pour son premier long-métrage, Justin P. Lange nous emmène dans les bois maudits de Devil’s Den («La tanière du diable»), où réside un monstre. The Dark est une épopée morbide du processus de guérison, touchant à des thèmes d’une réalité que l’on ne peut ignorer.
«Ta mère ne te l’a jamais dit? C’est la curiosité qui a tué le chat.»
Mina (Nadia Alexander), une adolescente qui se nourrit de chair et de sang humains dans les lieux de Devil’s Den, est un jour dérangée par Josef (Karl Markovics), venu se réfugier dans la forêt avec Alex (Toby Nichols), un garçon d’une quinzaine d’années qu’il a kidnappé et mutilé. Après l’avoir assassiné et roté un peu de sa carne, Mina découvre le garçon aux yeux brûlés dans le coffre de la voiture qui avait conduit Josef jusqu’à elle.
Les deux personnages, liés par un passé de traumatisme et de violence, commencent à se construire une amitié qui s’infiltrera en musique dans les entrailles de Mina, l’aidant à annihiler la force de son diable intérieur. Alex, quant à lui, sera soutenu et aidé par la jeune fille, qui, malgré son apparence de monstre et sa facilité horrifique à tuer, lui permettra d’envisager un futur sans sévices.
Une haine profonde
C’est tout étonné que l’on sort de la salle après la projection. Etonné par le scénario, surtout, qui évolue tranquillement, en se laissant découvrir petit à petit, au fur et à mesure que l’on en apprend plus sur les personnages et leurs histoires d’une profonde violence. Proposant tout d’abord sans détours l’horreur et l’angoisse, avec des grincements de portes et des moments de silence interrompus violemment par les coups de hache de Mina, le scénario nous fait ensuite découvrir l’histoire derrière la haine de la jeune fille.
A mesure que ces éléments d’un parcours de vie brutal où elle a été violée et presque assassinée par l’ami de sa propre mère se dévoilent, la colère de Mina prend un tout autre sens, et le diable qui semblait la posséder se révèle plutôt être une haine profonde, née de la souffrance indicible qu’elle a subie. Alex, lui, présente un autre visage du traumatisme: celui qui, résigné, peureux, respecte les volontés de son bourreau, terrifié à l’idée de devoir y faire face, sans pour autant le détester.
L’amitié comme guérison
De ces deux façons de souffrir émanent également les thèmes du processus de guérison et du besoin de l’autre pour grandir et reprendre le dessus sur son propre passé. Cette thématique est subtilement portée à l’écran par l’apparence et la violence de Mina qui, au fur et à mesure des conversations et autres moments de partage avec Alex, décroissent pour finalement disparaître totalement. Son visage balafré et ses yeux noirs de colère laissent petit à petit place à la jolie bouille de sa talentueuse interprète, Nadia Alexander.
En outre, le travail technique au niveau du son et de l’image sont tous deux bien soignés. De la presque invisible mais très angoissante avancée opérée par la caméra alors que Josef se trouve seul dans la chambre de Mina aux réminiscences bleutées de sa vie passée, les plans semblent avoir été pensés et perfectionnés jusqu’à atteindre l’excellence. De plus, le jeu de cette mélodie tantôt heureuse tantôt horrifiante qui prend par le cœur le spectateur afin de l’emmener de séquence en séquence est intelligent et maîtrisé.
Alors, à quel point nos émotions, nos traumatismes et nos souvenirs sont-ils une possession? Par quels moyens sortir du carcan de l’isolement et de la peur, moteurs de violences? The Dark, un film d’horreur au service de la possibilité de guérison et de l’amitié, apporte quelques pistes et, surtout, un magnifique espoir couplé par la volonté d’écouter les histoires les plus déchirantes afin d’en admirer la cicatrisation.
THE DARK (Justin P. Lange) – NIFFF – International competition | |||||
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Hélène Lavoyer | FFFF |
Ecrire à l’auteur: helene.lavoyer@leregardlibre.com
Crédit photo: © NIFFF