Les mercredis du cinéma – Lauriane Pipoz
En 2013, une statue d’Apollon est retrouvée au large de Gaza. Chacun a sa théorie sur le mystérieux objet: certains le datent de l’époque grecque, d’autres voient en lui une contre-façon. Les rumeurs vont bon train et l’affaire agite la sphère médiatique. Mais quelque temps plus tard, elle disparaît. Dans cette ville ravagée par la violence, qu’est-il arrivé à l’Apollon de Gaza?
Pour la troisième fois, le réalisateur genevois Nicolas Wadimoff tourne un documentaire à Gaza. Il cherche ici à comprendre l’histoire de cette statue sortie de la mer par des pêcheurs en 2013. Mais ce n’est pas le seul enjeu de ce «thriller archéologique» qui nous tient en haleine et nous émeut. Oui, nous voulons savoir d’où vient et ce qui est arrivé à l’Apollon de Gaza. Mais nous sommes également emportés par l’objectif du cinéaste fasciné par cette région: très vite, nous désirons tout aussi ardemment nous laisser porter par les témoignages des Gazaouis qui nous racontent leur ville et le système qui lui est propre.
Une statue mystérieuse
Tout est mystère autour de cet Apollon. Le spectateur se rend rapidement compte que les témoignages des pêcheurs, archéologues ou trafiquants d’antiquités sont contradictoires – même si beaucoup déclarent être «100% sûrs» de ce qu’ils avancent. L’objet en question est-il de l’époque grecque? Certains affirment que ses dimensions ne correspondraient pas. A-t-il réellement été trouvé dans la mer? Impossible, il serait bien plus corrodé, témoigne un spécialiste.
Le travail d’information réalisé dans ce documentaire est spectaculaire. On imagine aisément qu’il a fallu frauder pour pouvoir obtenir tant de renseignements: se faire passer pour un faussaire ou faire semblant de vouloir construire un musée. Les témoignages sont très bien organisés: certains spécialistes parlent plusieurs fois et sont également filmés dans leur activité d’archéologue ou de restaurateur. Ponctuellement, on se trouve aussi plongés dans la mer, bercé par les flots, à écouter un poème touchant. La musique est simple et discrète, mais efficace: elle aide à nous installer dans l’ambiance de Gaza.
L’importance de l’histoire
L’histoire de cette statue est également un prétexte pour parler d’autres sujets. Du conflit israélo-palestinien, bien sûr, mais aussi de l’importance de l’histoire dans les nations. Car «une nation sans histoire n’est pas une nation». Une archéologue nous parle de l’ancien rayonnement de la majestueuse Gaza; aujourd’hui, tout est sous le sable. «L’histoire que l’on est en train de vivre n’est ni triste, ni joyeuse, mais enthousiasmante. Les cultures se déploient, puis disparaissent. Ce qui se forge dans l’adversité sera solide », professe-t-on devant la caméra. Celle de Gaza et de sa statue est ici magnifiquement bien décrite.
Crédits photo: © Sister Distribution
Ecrire à l’auteur: lauriane.pipoz@leregardlibre.com
L’apollon de Gaza |
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Canada et Suisse, 2018 |
Réalisation: Nicolas Wadimoff |
Scénario: Nicolas Wadimoff et Béatrice Guelpa |
Interprétation: Jean-Baptiste Humbert, Walid Al-Aqqad et Jawdat Abou Ghurab |
Production: Colette Loumède (ONF), Philippe Coeytaux (Akka Films) |
Distribution: Akka Films |
Durée: 1h18 |
Sortie: 27 mars 2019 |