Les lundis de l’actualité – Léa Farine
Le samedi 29 octobre, une tête de porc sanglante est déposée devant un foyer pour requérants d’asile mineurs non accompagnés à Sion. Alors que la plupart des élus valaisans contactés par RTS Info se disent profondément choqués par ce geste haineux, l’UDC Jérôme Desmeules, lui, le justifie par «une frustration à l’égard de personnes, les requérants d’asile, dont la présence est imposée par le canton sans concertation avec les communes».
Mais en réalité, un tel comportement ne dit rien ni de ceux qu’il vise, ni d’une quelconque problématique d’ordre politique en lien avec les réfugiés. Ce qu’il met en évidence seulement, c’est la violence à laquelle mène le discours cher aux partis d’extrême-droite. Les concepts vides de sens que sont «le choc des civilisations», «la confrontation des valeurs» ou pire, «la culture face à la barbarie», ne sont que d’absurdes postures de façade ayant pour résultat de donner un sentiment de légitimité à des individus qui laissent exploser leur propre sauvagerie tout en la projetant sur l’autre.
Tenter de mieux comprendre reviendrait à donner de la valeur à une démarche essentiellement insensée, parce que purement pulsionnelle. Par contre, cette incohérence peut être mise en lumière avec des exemples. En voici deux, véridiques, vécus cette semaine et qui je crois révèlent ce que je tente d’exprimer ici.
Alors que je partais en promenade, aujourd’hui, trois jeunes personnes m’ont dépassée sur un vélomoteur. Ils ne portaient pas de casque, roulaient beaucoup trop vite et étaient apparemment ivres. Un quatrième les suivait à vélo. Je les ai retrouvés un peu plus loin, devant la barrière fermée d’un passage à niveau. L’un d’entre eux voulait absolument traverser à pied sans attendre l’ouverture des barrières. Il semblait énervé, jurait, si bien que je me suis sentie mal à l’aise. Après que le train fut passé, il a enjambé la barrière sans attendre qu’elle se relève et est entré dans un bâtiment abandonné, un peu plus loin. Je l’ai entendu briser du verre, peut-être des fenêtres, jeter des objets. Les autres ont continué leur chemin et laissé le vélo à l’orée de la forêt. Voyant cela, celui qui venait de tout casser dans la maison a crié: «Revenez, il faut mettre un cadenas, on risque de se le faire voler. Il y a beaucoup d’Erythréens et de Syriens qui passent ici».
Quelques jours auparavant, j’avais été invitée à dîner par une famille de Syriens, justement (ces terribles voleurs de bicyclettes), à qui j’enseigne le français. A la fin du cours, Ranya m’a demandé si j’avais quelque chose de prévu pour midi. Comme je n’avais rien à faire, je l’ai accompagnée chez elle, simplement. Nous avons mangé, j’ai rencontré ses enfants. Amran, le mari, a joué du oud, sa fille a chanté. Quand je suis partie, ils m’ont dit que je pouvais revenir quand je voulais, et qu’il y aurait toujours à manger pour moi.
S’il existe donc un «choc des civilisations», je me demande de quelles civilisations on parle. Entre celle où l’on conduit ivre à midi le dimanche, où l’on détruit la propriété d’autrui, où l’on dépose des animaux morts devant la porte de ses voisins et celle où l’on invite des presque inconnus à manger chez-soi, ce n’est pas la seconde qui me semble la plus dangereuse. Cependant, en réalité, il n’y a pas plusieurs civilisations. Il y a des gens civilisés et d’autres qui ne le sont pas. Combattre les extrémismes, que l’on soit suisse, syrien ou érythréen, n’est rien d’autre que cela: faire le choix de la civilisation contre l’obscurantisme.
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