Si certains ouvrages dénichés dans les librairies en ce début d’année 2024 retournent le cœur, tous font du bien à la pensée. De Julien Sansonnens à David Foenkinos en passant par feu Dick Marty, brève présentation par notre équipe de mots porteurs de sens.
Chelsea Rolle
C’est avec une grande tristesse que nous apprenions, le 28 décembre dernier, le décès de Dick Marty. Il n’a pas seulement légué aux Suisses un exemple de ferveur politique et de convictions, il a également laissé derrière lui deux livres. Une certaine idée de la justice et Sous haute protection, parus respectivement en 2018 et 2023, retracent, sous la forme de mémoires, des affaires brûlantes qui ont occupé les sphères juridique et politique des dernières décennies. Dans les plus marquantes, on compte son enquête sur les prisons secrètes mises sur pied par la CIA (Center Intelligence Agency) ou son rapport sur le trafic d’organes au Kosovo qui lui aura coûté une part de sa liberté en raison de sa mise sous protection policière. Au-delà de l’intérêt évident qu’apportent ces récits et anecdotes qui nous transportent à travers la Suisse et le globe, ces livres puisent leur force dans la volonté de Dick Marty d’œuvrer pour un monde juste, réglé par le droit. Si une page se tourne avec sa disparition, on peut encore tourner les pages de cette personnalité remarquable, réfléchir et nous laisser inspirer.
Dick Marty
Sous haute protection
Editions Favre
Février 2023
150 pages
Jonas Follonier
«Les générations s’enchaînent sur les terres des anciens, ceux qui ont tout construit, ceux qui connaissaient le goût de l’effort.» L’auteur romand Julien Sansonnens est de ces (anciens) partisans de la gauche travailliste toujours fidèles à la valeur du travail. Et qui se révèlent conservateurs, car attachés aux transmissions entre générations, à l’importance de l’histoire, à l’identité. Cette sensibilité politique se fait aussi littéraire dans ses romans, accordant un rôle de premier plan au lieu et à la mémoire. Dans Agnus Dei, cette dimension est plus présente que jamais. L’écrivain met en scène un drame paysan basé sur un fait réel survenu dans la Broye fribourgeoise des années 1940. Au retour de la mobilisation à la frontière, le forgeron du village voit bien que quelque chose cloche en ce bourg, et que cela concerne sa femme. Qu’a-t-elle fait durant son absence? La trame est prenante, le style est racé. La lecture, marquante.
Julien Sansonnens
Agnus Dei
Editions de l’Aire
Août 2023
114 pages
Sandrine Rovere
Qui n’a jamais rêvé de changer de vie? Après La délicatesse ou Charlotte, l’auteur français David Foenikos explore cette question dans son dernier roman, La Vie heureuse, publié au début du mois de janvier chez Gallimard.
Le Parisien y poursuit son exploration du désarroi existentiel, au travers du personnage d’Eric, rouage gris de l’administration française, qui traîne son spleen de Paris à Séoul au service du commerce extérieur de son pays. Une rencontre imminente avec la mort l’incite à tout envoyer balader et à se donner une deuxième chance.
«Jamais une époque n’a autant été marquée par le désir de changer de vie. Nous voulons tous, à un moment de notre existence, être un autre», écrit David Foenkinos. Et il n’a pas tort. Pouvoir repartir à zéro est un rêve vieux comme le monde. Mais la pandémie de coronavirus a certainement encore amplifié le phénomène. En France, une étude réalisée au sortir du confinement montre qu’un actif sur cinq a songé à changer de carrière durant la crise. «Il y a quelque chose de très beau dans l’idée que rencontrer la mort vous fasse aimer plus encore la vie», souligne l’écrivain.
Il n’y a pas une once de cynisme dans La vie heureuse. C’est un livre résolument optimiste, qui veut croire dans la capacité de chacun à se réinventer. A prendre la mesure de ses erreurs et à les corriger. A faire la paix avec soi-même. Cela pourra certainement paraître naïf. Reste que, tel un bon chocolat chaud, ce livre feel good réconforte en plein cœur de l’hiver, quand les nuits sont longues et les températures glaciales.
David Foenkinos
La vie heureuse
Gallimard
Janvier 2024
208 pages
Vous venez de lire un article tiré de notre édition papier (Le Regard Libre N°102).
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