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«La mort du hibou», quand parlent les lumières et la mère5 minutes de lecture

par Aude Robert-Tissot
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Les bouquins du mardi – Aude Robert-Tissot

De la formation de l’univers à notre arrivée sur Terre, les plus spirituels diront que le hasard n’existe pas, que l’on choisit ses parents tout comme l’on se destine à une rencontre, pendant que les plus cartésiens penseront que ce n’est que le fruit du hasard. La mort du hibou, le premier roman d’Ann-Kathrin Graf, raconte le destin d’une vie, d’une fille guidée au gré de la peur et de l’amour pour sa mère.

Le 27 août dernier, nous étions avec mes collègues du Regard Libre en charge d’animer l’espace des écrivains de la Grande Fête du Livre de St-Pierre-de-Clages, en Valais. Alors que, quelques semaines avant la manifestation, nous nous répartissions aléatoirement les ouvrages des écrivains présents ce jour-là, mon regard s’arrêta sur la couverture du livre d’Ann-Kathrin Graf. Son nom m’était alors inconnu, autant que le titre de son premier roman, La mort du hibou. Aujourd’hui, je sors émue de cette lecture et enrichie par la rencontre avec son auteure, persuadée que ce livre m’était destiné.

C’est aussi une destinée, un peu plus tragique cette fois, qui anima l’existence de Sarah, la narratrice de cette autofiction. Un roman autour d’une relation complexe et exclusive avec sa mère, revécue à différentes étapes de leur existence.

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De la naissance à la mort

L’histoire prend vie dans la salle d’attente d’un gynécologue. Sarah est enceinte et se perd dans les formes et les couleurs d’un tableau de Kandinsky. Et comme l’a si bien théorisé le peintre à travers Du Spirituel dans l’Art, chaque couleur fonctionne par couple et s’associe à une représentation, à une sensation, ou même un son. Ici aussi les pigments parlent à la narratrice et lui soufflent divers états d’âme. Différents souvenirs émergent en elle; ceux d’une vie entière passée au sein de l’union qu’elle forme avec sa mère surnommée «le hibou», un animal symbolique allié aux couleurs les plus sombres. Le lecteur suit ainsi Sarah dans son long périple aux côtés de sa mère mourante et à la personnalité destructrice.

Pourtant, on se laisse rapidement séduire par le charme subtil de cette mère qui nous embarque dans une vie palpitante et emplie d’aventures extraordinaires dont elle seule a le secret, le tout tissé au travers d’une fabuleuse mise en scène de l’auteure. A l’image des pensées de Sarah, le récit n’est pas chronologique mais tout sauf déconstruit, un peu comme des nuages, les souvenirs traversant le ciel de la vie au gré des couleurs des sentiments. A la fin de ce voyage intérieur, de ces longues minutes dans cette salle d’attente, Sarah en sort essorée, transformée.

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Metteur en scène et productrice, Ann-Kathrin Graf a écrit différents textes allant de la pièce de théâtre à des spectacles en prose poétique. Aujourd’hui réalisatrice de documentaires à la RTS, elle ne doit pas passer inaperçue. Ann-Kathrin Graf est en effet une auteure romande au rire fort et à la personnalité lumineuse. Son écriture est parfois dense, mais toujours fluide. Elle a surtout le don de faire rire et pleurer le lecteur dans une même page, le prenant par une main ferme au sein d’une vie riche d’ombres et de lumières. Son roman illustre le tableau que m’a dépeint l’écrivaine à propos de sa perception du bonheur; que plus le chemin est ténébreux, plus intense sera l’arrivée dans le bonheur.

«Mais oui, je crois que c’est ça. Je suis rentrée à pied, je riais intérieurement, dans les rues, dans la ville froide, le rire s’échappait de temps en temps comme de petites flammèches, quelques souffles de rire, de vie. L’humour s’était frayé un passage vers ma mère, un humour un peu abrasif, prosaïque, que seul l’amour peut générer. J’avais réussi à la rejoindre pour un échange de taquineries. L’humour représente la plus grande force de vie qui soit, me suis-je dit. Une passerelle entre les mondes. Au cœur de la vie, au cœur du frémissement premier de la vie, il y a l’humour. Et au cœur de ma mère, au cœur de notre relation, je découvre qu’il y a plus fort que de l’amour, cette force-là.» (Ann-Kathrin Graf, La mort du hibou, pp. 121-122)

Ecrire à l’auteure: aude.robert-tissot@leregardlibre.com

Image d’en-tête: Vassily Kandinsky (1866–1944) , Etude De Couleurs – Carrés avec Cercles Concentriques, aquarelle, gouache et craie de cire sur papier, 23,9 cm  x: 31,6 cm, 1913

Ann-Kathrin Graf
La mort du hibou
Plaisir de Lire
2021
148 pages

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