Les bouquins du mardi – Lauriane Pipoz
Dans son premier roman, Un bonheur que je ne souhaite à personne, Samuel Le Bihan nous parle de l’autisme à travers le personnage de Laura. Cette femme est mère de deux enfants, dont un petit garçon autiste. S’étant refusée à le placer en hôpital psychiatrique, elle est la fondatrice d’une structure accompagnant les enfants autistes dans leur différence.
Les parents d’enfants autistes doivent faire face à de nombreux challenges auxquels nous ne pensons pas forcément. Après l’annonce du diagnostic, il s’agit de tenir le coup face aux accès de colère, au manque de sensibilité des autres, aux défis administratifs particulièrement nombreux en France. Et sans fléchir: l’autisme n’autorise pas le doute. La moindre insécurité ou le plus petit imprévu peut provoquer un état d’angoisse qui risque de se matérialiser en crise.
Un parcours semé d’embûches
«Au printemps, nous avons néanmoins dû tout reprendre à zéro ou presque: remonter des dossiers, passer devant la médecine scolaire et les psychologues pour prouver qu’il pouvait non seulement passer dans la classe supérieure mais en plus rester scolarisé. Ce ne sera peut-être pas toujours le cas… Rien n’est jamais acquis, encore moins pour César.»
C’est ce que raconte l’histoire de Laura. C’est le point de vue d’une femme dédiant toute son énergie à créer pour son enfant un environnement qui lui permette de faire des progrès. Elle en oublie malheureusement parfois les autres personnes qui l’entourent, et souvent elle-même.
Touchant un sujet si sensible, ce livre n’est bien sûr pas qu’une simple fiction. Il fallait probablement côtoyer cette réalité pour pouvoir l’écrire aussi bien. Par son personnage principal, Samuel Le Bihan nous transmet son expérience de père d’une enfant autiste, tout comme celle de nombreux parents en France. Pour modeler Laura, il s’est appuyé sur son expérience, mais également sur les parcours de mères extrêmement dévouées autour de lui. Ces dernières doivent lutter pour se faire entendre dans ce pays où ce handicap est mal compris et donc mal pris en charge.
Des descriptions sensibles
Pendant ces 247 pages, nous vivons avec le personnage principal toutes ses victoires et échecs. L’auteur nous permet un accès privilégié aux pensées de Laura grâce au récit à la première personne du singulier. On peut alors très facilement s’identifier à cette maman dépassée qui tente de faire le maximum pour son enfant tout en jonglant avec la structure qu’elle a créée, l’éducation de son premier fils, son travail et son bien-être.
«Je crois que c’est en agissant de la sorte que l’on finit par accepter une vie trop étroite. On se donne de bonnes raisons d’avoir raison et on n’est ni heureux ni malheureux, on n’est juste cerné par des choix qui ne sont pas les nôtres et on accepte par habitude.»
Mais Samuel Le Bihan a su choisir un angle très positif pour nous conter cette histoire. Il sait nous rappeler que les combats peuvent nous apporter beaucoup de satisfaction et qu’il ne faut pas passer à côté de sa vie. Malgré le message fort qu’il contient, on sort de ce livre plein d’espoir.
«Pour ceux qui trouveraient déplacé le recours aux bons points, je rappelle que la vie est remplie de récompenses et de punitions. Les enfants autistes ont tellement besoin d’encouragements que je mesure à quel point notre société en est dépourvue. Alors allons-y, valorisons ce qui est beau, ce qui est réussi, ce qui fait avancer les choses, c’est tellement plus agréable de vivre en regardant le verre à moitié plein.»
Samuel Le Bihan
Un bonheur que je ne souhaite à personne
Flammarion
2018
247 pages
Ecrire à l’auteur: lauriane.pipoz@leregardlibre.com
Crédit photo: © Jonas Follonier pour Le Regard Libre