Les bouquins du mardi – Ivan Garcia
Le célèbre gaulois au casque ailé est de retour! Dans ce nouvel album, qui nous plonge dans une contrée hivernale, Astérix poursuit une colonne romaine sur les traces du griffon. Un récit qui ne manque pas d’originalité, malgré quelques maladresses, et qui est parsemé de références à l’actualité.
Ah Astérix… Ce n’est pas le parfait guide de l’Antiquité (les anachronismes ou les imprécisions historiques sont récurrentes dans ses aventures), et il n’a probablement pas le charme des mangas dont les jeunes raffolent (à raison, d’ailleurs). Mais pour beaucoup, la bande dessinée reste la porte d’accès privilégiée pour s’initier à la lecture et, à plus forte raison, à la littérature. Et, parmi tous ces héros de bédés, il y a le petit moustachu blond, équipé de sa gourde de potion magique, et de son acolyte Obélix, le livreur de menhirs, qui à chaque fois qu’ils en ont l’occasion livrent bataille aux Romains.
Si les deux créateurs de la série, René Goscinny et Albert Uderzo, ont bel et bien créé le personnage et l’ont fait vivre pendant des décennies, c’est depuis quelques années le duo composé par Jean-Yves Ferri (scénariste) et Didier Conrad (illustrateur) qui sont à la barre du navire Astérix. Et cela se sent, avec d’ailleurs quelques innovations scénaristiques et esthétiques. La dernière aventure en date, intitulée Astérix et le Griffon, propulse le lecteur dans des contrées enneigées sur les traces d’une bête légendaire, le griffon.
Une bestiole fantastique
Tout commence à Rome (et ne dit-on pas que tous les chemins y mènent, à Rome, justement?), à la cour de César, qui auditionne son géographe en titre, le fameux «Terrinconus». Ce dernier apprend à César l’existence d’un griffon, un animal fabuleux, mi-aigle et mi-lion. Le chef romain, qui songe à la popularité que lui assurerait ledit animal s’il le montrait au cirque, charge Terrinconus, aidé par une esclave sarmate, de partir à la recherche de la bête.
Jusque-là, c’est du Astérix tout craché: le focus sur le côté romain, les motivations de César, et, ensuite, traditionnellement, on s’attend à ce qu’on soit transporté dans le village gaulois. Mais, dans Astérix et le Griffon, ça ne marche pas comme ça. Une transition – assez brutale – montre Panoramix, Idéfix, Obélix et Astérix sur un traîneau, en pleine neige: on apprend que Panoramix a reçu dans l’un de ses rêves un message de son ami chaman «Cékankondine» pour qu’il vienne l’aider. Les Romains sont dans les parages, cherchent le griffon, l’animal sacré des Sarmates, et ça ne sent pas bon pour le magicien, qui sera kidnappé par les Romains. Et, bien entendu, Astérix et compagnie devront le sauver.
Clins d’œil actuels
Jean-Yves Ferri et Didier Conrad tentent à chaque album de renouveler un peu Astérix et, comme on le voit dans Astérix et le Griffon, d’apporter quelques petites nouveautés à la franchise. Tout d’abord, on soulignera que les péripéties gauloises en terres enneigées ne sont pas légion, c’est donc avec curiosité que l’on appréhende cette aventure. En ce qui concerne le scénario, les auteurs ont fait le choix de nous entraîner dans le «Barbaricum» (la partie du monde située au-delà de l’Empire romain), qui n’était jusqu’à présent pas vraiment traité par les scénaristes.
Le plus drôle reste tout de même l’intégration d’événements, voire de personnalités actuelles, dans l’album. Ainsi, à bien y regarder, le géographe Terrinconnus n’est autre qu’une caricature de l’auteur français Michel Houellebecq, lauréat en 2010 du Prix Goncourt pour son roman La Carte et le Territoire (Huffington Post).
Dans Astérix et la Transitalique (2017), un mystérieux aurige masqué, nommé Coronavirus, participait à la grande course de chars contre les Gaulois et d’autres concurrents. De manière étonnante, cet album avait précédé l’épidémie de Covid-19… Dans Astérix et le Griffon, on trouve un petit clin d’œil à ce moment marquant dans l’histoire en la personne du légionnaire romain «Fakenius». Un personnage qui, comme son nom l’indique, élabore des «fake news» et ainsi répand la peur dans le camp des légionnaires romains.
Le nouvel album d’Astérix est réjouissant, car il rompt avec des schémas monotones et sans surprises. Cela montre qu’un renouvellement de la série est possible, voire souhaitable, à condition que les auteurs prennent plus de temps de développer leur scénario et leur histoire: celle-ci, quoiqu’entraînante, se finit bien vite et semble traitée de manière superficielle. Mais Astérix est de retour, et c’est tant mieux. Par Toutatis!
Ecrire à l’auteur: ivan.garcia@leregardlibre.com
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Images utilisées dans l’article: © Illustrations de Didier Conrad pour Astérix et le Griffon
Jean-Yves Ferri (Texte) et Didier Conrad (dessins)
Astérix et le Griffon
Editions Albert René
2021
50 pages