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Littérature

Recension

Les disparus de Tsanfleuron devenus des héros de roman4 minutes de lecture

par Sandrine Rovere
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Dans son dernier roman, l’auteur français Alexandre Duyck s’empare d’un fait divers helvétique pour tisser un récit universel sur la famille et le deuil.

14 juillet 2017: le glacier du Tsanfleuron, au-dessus de Savièse en Valais, rend les corps d’un couple disparu depuis 75 ans. Marcelin et Francine Dumoulin n’ont en effet plus donné signe de vie depuis le 15 août 1942, date à laquelle ils ont quitté le village afin de gagner un alpage situé en territoire bernois pour nourrir le bétail. Leurs dépouilles momifiées sont retrouvées par un employé des remontées mécaniques de Glacier 3000. Tous leurs effets personnels – les vêtements, les bijoux et les bagages – sont intacts, comme figés dans le temps.

Du récit au roman

C’est de ce fait divers que s’empare l’auteur français Alexandre Duyck dans son dernier roman Avec toi, je ne crains rien, publié en avril aux éditions Actes Sud. Ce n’est pas la première incursion de l’écrivain dans le monde de la montagne et de ses drames, lui qui a grandi à Annecy. Il y a quelques années, il s’est notamment intéressé au destin de l’himalayiste Chantal Mauduit, décédée lors d’une avalanche au Népal (Elle grimpait sur les nuages).

Mais cette fois, ce n’est pas un récit biographique qu’il a décidé de rédiger. Avec toi, je ne crains rien revendique son caractère romanesque. Egalement journaliste, entre autres pour le quotidien Le Monde, Alexandre Duyck n’a pas renié sa nature: il s’est renseigné pour en apprendre le plus possible sur les époux Dumoulin. En revanche, c’est avec des scènes imaginées qu’il comble les silences dans les dialogues et les événements.

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Il le fait avec une grande bienveillance et la volonté manifeste de respecter cette histoire de famille. En résulte alors un livre extrêmement touchant. Alexandre Duyck évoque avec beaucoup de délicatesse et de justesse les forces et les faiblesses de ces personnages, dont les vies et les habitudes sont pourtant si éloignées des nôtres. On s’attache à cette famille dont les jours sont si indiscutablement comptés et on se prend même à espérer que les époux Dumoulin puissent, contre toute attente, s’en sortir. Car il n’y a malheureusement pas de suspense quant à l’issue de l’intrigue. Mais, à chaque pas que Marcelin et Francine font vers le sommet, en ce jour funeste du 15 août 1942, alors que les nuages s’amoncellent au loin et que la tempête approche, on ressent l’envie de leur crier de faire demi-tour.

L’autre attrait de ce livre réside dans ce qu’il ne se termine pas avec la disparition des parents Dumoulin. Ce n’est en effet que le début de l’histoire pour leurs enfants. Les faits qui suivent sont tristement banals pour l’époque: les petits sont séparés et certains seront maltraités par leurs familles d’accueil. Aucun ne se remettra jamais vraiment de ce drame. C’est tout le mérite d’Alexandre Duyck: laisser la parole aux victimes indirectes des événements et raconter ce qui se passe après le générique de fin.

Ecrire à l’auteure: sandrine.rovere@leregardlibre.com

Vous venez de lire une critique publiée dans notre édition papier (Le Regard Libre N°107).

Alexandre Duyck
Avec toi, je ne crains rien
Actes Sud
Avril 2024
196 pages

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