Les mélodies du jeudi – Alexandre Wälti
La musique fait l’Histoire, et inversement. Les va-et-vient entre le passé et le présent musicaux sont infinis. Jordi Savall est allé plus loin et s’est emparé de l’histoire douloureuse de l’esclavage pour composer le projet The Routes Of Slavery. Une rencontre entre instruments africains, chants sacrés et populaires espagnols ou portugais et extraits de textes historiques.
Le chef d’orchestre espagnol a longtemps dirigé des chœurs et a partagé la vie de la chanteuse lyrique Montserrat Figueras jusqu’à la mort de cette dernière. Son intérêt pour l’art vocal semble dès lors évident. Par le passé, il a déjà placé les voix au centre de ses compositions, comme dans l’excellent Granada Eterna.
Dans ce précédent projet, il a honoré les chants et les musiques arabes à l’occasion du millénaire de Grenade, en Andalousie. Il a invité l’auditeur à voyager musicalement dans le temps depuis la fondation du royaume de Grenade (1013) jusqu’à son intégration dans le royaume de Castilla y León (1526).
Le compositeur fait un pari similaire avec The Routes Of Slavery sauf qu’il retrace une période entre 1444 et 1888, des débuts de l’esclavage à l’année de la Loi d’or brésilienne – le Brésil ayant été le dernier pays à abolir l’esclavage par la signature de l’Impératrice Isabelle.
La kora du malien Ballaké Sissoko rencontre ainsi les percussions du brésilien Luis Nascimento. La voix de Mohammed Diaby se mêle à celle du colombien Leopoldo Novoa et aux instrumentations de l’orchestre de chambre mexicain Tembembe Ensamble Continuo.
Vous l’aurez compris: il y a là une immense richesse musicale au service du devoir de mémoire. Quand le sang devient sonorités réconciliatrices. Quand les musiques africaine, latino-américaine et européenne cohabitent pour revisiter l’Histoire et créer des ponts entre les cultures.
Jetez-y un oreille puisque le projet est en écoute libre sur ce lien.
Ecrire à l’auteur: alexandre.waelti@leregardlibre.com
Crédit photo: © Capture d’écran YouTube