Le 12 novembre 2016 restera dans les mémoires. Il y a quatre jours, le Prix Nobel de littérature a été décerné non pas à Philip Roth ou à Haruki Murakami, mais à un auteur-compositeur-interprète connu pour son talent poétique et son genre musical, le folk rock, qu’il popularisa durant les années soixante et développa durant les années septante et au-delà: Bob Dylan.
Maintenant encore, cet inspirateur aussi bien de Francis Cabrel que de Guns n’ Roses prouve son génie artistique d’album en album. Mérite-t-il pour autant un Prix Nobel? Difficile à dire. Au Regard Libre, personne n’a un avis figé sur la question. Nul ne peut être insensible à l’univers musical de ce créateur du rock moderne, là n’est pas la question. Il demeure cette interrogation: en décernant leur prix prestigieux à Dylan, les académiciens suédois ne sont-ils pas en train de mélanger les choses?
Nous pouvons par exemple penser que si tout le monde écoute Bob Dylan, néanmoins personne ne le lit. Il ne faut donc pas le récompenser d’un grand prix de littérature, alors que des écrivains de renom attendent leur tour à juste titre. J’irai même plus loin: si un artiste écrit une chanson pour qu’elle soit une chanson, elle restera toujours une chanson. On peut certes s’émerveiller de l’aspect poétique de bien des chansons, cela ne fait pas d’elles des poèmes, à moins qu’elles soient conçues d’emblée comme étant en même temps des poèmes – c’est le cas du répertoire de Brel, que l’on lit volontiers.
Or même dans le cas de Brel, personne ne vient à penser au Prix Nobel. Cela serait presque du registre de l’insulte que de décerner un prix littéraire à un homme dont l’œuvre ne saurait être considérée indépendamment de sa richesse musicale. «Dans la chanson», disait Michel Polnareff dans une interview récente, «on a trop tendance à mettre les gens dans des tiroirs. On parle souvent de Brel le poète, mais il a écrit des mélodies fantastiques. De la même façon, je pense avoir écrit des textes qui ont leur importance.»
Le meilleur à faire dans cette affaire consiste à en retenir le positif. Que ce prix soit justifié ou non, que Dylan l’accepte ou non, peu importe au final. Au moins, les personnes qui n’avaient jamais entendu parler de Bob Dylan ont maintenant l’occasion de le découvrir. Tout le monde sur cette Terre devrait écouter une fois Mr Tambourine Man et Blowin’ in the Wind avant sa mort. Longue vie à l’oeuvre de Dylan, et longue vie à la musique, qui ne sera jamais la littérature tant elle lui est supérieure!
Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com
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