L’étiquette de «progressiste» et celle, opposée, de «conservateur» ou, selon les cas, de «réactionnaire» sont maintenant omniprésentes pour décrire les positions des uns et des autres en matière de politique ou d’enjeux de société. Pour les tenants de chacun de ces deux camps caricaturaux, traiter son adversaire de «réac» ou au contraire de «progressiste» est souvent censé suffire pour le discréditer.
Qu’est-ce que le progressisme? Croire que l’histoire n’est rien d’autre qu’un progrès linéaire? C’est évidemment absurde. Il y a des progrès dans certains domaines, comme la médecine, mais parler de progrès général en connaissant les tristes épisodes du XXe siècle est une ineptie.
Le progressisme, serait-ce alors préconiser le progrès, c’est-à-dire vouloir faire en sorte que demain soit meilleur qu’aujourd’hui? Sans doute, le progressisme étant un marqueur idéologique et devant donc contenir l’idée d’une certaine volonté politique. Difficile d’avoir une définition plus précise: elle est condamnée à être vague, vu la variété des opinions qualifiées couramment de progressistes (être pour le télétravail, être pour l’accès au mariage par des personnes du même sexe, être pour la réforme d’une constitution cantonale).
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En réalité, nous sommes tous progressistes: personne ne voudrait que demain soit pire qu’aujourd’hui. Quant au fait que le monde change, c’est un lieu commun. Par contre, nul individu sérieux ne dira s’extasier de tous les changements qui surviennent dans l’histoire du monde.
Le débat politique porte dès lors sur la définition du progrès. Comment améliorer le sort de la société? Les réacs ne sont pas des anti-progressistes: ils considèrent que, dans certains domaines au moins, un retour à ce qui se faisait avant constituerait justement une avancée. De même pour les conservateurs, qui voient une promesse de progrès dans un programme consistant à «empêcher que le monde se défasse», pour reprendre l’expression utilisée par Albert Camus lors de son discours de réception du prix Nobel de littérature.
C’est le débat politique qui définit le progrès et non l’inverse. L’écrivain Benoît Duteurtre rappelait il y a quelques mois dans l’hebdomadaire français Marianne que «ce fut le pire égarement des régimes communistes que de trop savoir dans quel sens l’histoire devait avancer – quitte à prier la réalité de s’adapter à la théorie quand il était clair que ça ne marchait pas. Nombre de victimes en payèrent le prix, et quiconque osait contester cette direction se voyait traité de suppôt de la réaction…»
«Le sens de l’histoire se découvre peu à peu, ce qui suppose curiosité et modération», ajoutait l’essayiste. Remarquant d’ailleurs qu’en ce qui concerne la musique, un domaine qui lui est cher, le «sens de l’histoire» des années 1950 ne s’est révélé qu’après coup. Quant à savoir si celle-ci se répète…
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Dessin: © Nathanaël Schmid pour Le Regard Libre