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Suisse

Interview

Bientôt une combattante contre l’islamisme au Conseil national?6 minutes de lecture

par Max Frei
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La spécialiste de l’islamisme Saïda Keller-Messahli est candidate au Conseil national © DR

Saïda Keller-Messahli est une des figures du combat contre l’islam politique en Suisse et plus généralement en Europe. La Zurichoise d’origine tunisienne a décidé de se présenter au Conseil national sous une étiquette indépendante. Elle nous en dit un peu plus.

Chercheuse indépendante à Zurich, Saïda Keller-Messahli est connue du paysage politique et médiatique pour ses positions sur l’islamisme. Elle-même issue d’une culture musulmane, elle alerte sur la présence et le développement de l’islam politique en Suisse, comme en témoigne son interview parue dans ces colonnes en février et un livre que publiera l’Université de Cologne cet automne, portant sur les structures de l’islam politique en Europe et dont le chapitre sur la Suisse a été confié à la Zurichoise. Elle s’exprime aujourd’hui sur les raisons qui l’ont motivée à se porter candidate au Conseil national sur une liste apartisane nommée «Entrepreneurs éthiques» pour le scrutin du 22 octobre prochain.

Le Regard Libre: Pourquoi avez-vous décidé de vous présenter maintenant?

Saïda Keller-Messahli: Pendant longtemps, j’ai été dévouée professionnellement à mes recherches. J’ai été noyée dans le sujet de l’islamisme, je ne prenais même plus de vacances. Ces dernières années, j’ai commencé à être sollicitée dans d’autres pays, en Autriche, en Allemagne et en France notamment. Et j’ai réalisé que je pouvais faire profiter la politique de mon savoir sur la thématique. Sans prétention, peu de personnes connaissent le sujet comme moi et désormais j’ai envie d’aller là où les décisions sont prises. Je réfléchissais à ma candidature dès ce printemps, j’en ai parlé avec différentes personnes autour de moi. J’ai eu des contacts avec les personnes de cette liste, qui soutiennent un entrepreneuriat éthique, avec les questions sociales et environnementales que cela comprend.

Pourquoi ne pas avoir choisi de rejoindre un parti établi?

Mes positions sur l’islam ne plaisent pas aux partis de gauche de manière générale. Ils n’acceptent pas mes analyses. Ils m’accusent de préparer le terrain de l’UDC et prétendent que je génère de l’islamophobie, étant moi-même musulmane… Il faut distinguer l’islam religieux de l’islam politique que je combats et dénonce. Quant au PLR ou à l’UDC, ils ne correspondent pas à mon idéologie. Or, cette liste était une belle occasion pour moi, ils profitent de ma notoriété en me plaçant en tête de liste, et j’ai quant à moi la possibilité de ne pas être d’accord avec toutes leurs positions. Le fait que mes colistiers acceptent que je puisse avoir des opinions différentes des leurs était un facteur crucial.

Si vous êtes élue, que souhaitez-vous apporter au Conseil national?

Il faut être réaliste, je n’ai qu’une infime chance d’être élue. Je n’ai de loin pas un budget conséquent et je vais me contenter de distribuer des flyers. J’ai néanmoins un public. Il est très fréquent que, dans la rue, des personnes m’abordent afin de me remercier pour le travail que j’effectue. J’ai le profond désir de m’investir à Berne et de mettre à disposition du pays mes connaissances. Par ailleurs, sur le sujet de l’islamisme, j’observe un appauvrissement du débat: les gens n’osent plus dire ce qu’ils pensent. On est tout de suite accusé de mauvaises intentions. Un Vert vaudois m’a par exemple envoyé au pénal parce que je l’ai associé, lui et son parti, à des mouvances islamistes – j’ai gagné.

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Vous êtes principalement connue pour votre combat contre l’islamisme. Est-ce que cela reste le thème principal que vous souhaitez porter à Berne?

J’ai passé beaucoup d’années à étudier ce sujet. Après les attentats du 11 septembre 2001, je m’étais sentie obligée de me focaliser sur ces questions. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que je ne peux pas faire davantage. Surtout, je ne suis pas monoculturelle, et cela anime également ma candidature. J’ai beaucoup d’autres intérêts, notamment l’art. J’ai, par exemple, contribué à l’exposition «Re-orientations, L’Europe et les arts de l’Islam, de 1851 à aujourd’hui» au Kunsthaus de Zurich ce printemps. J’ai par ailleurs suivi des études de lettres. Donc si je suis élue, je pense ce serait l’endroit idéal pour m’occuper de sujets divers.

La Suisse, contrairement à la France, n’est pas laïque. Souhaiterez-vous changer cela?

Oui. Aujourd’hui, on observe des dérives en France qui pourraient nous arriver aussi. Beaucoup d’enseignants me contactent car ils se retrouvent confrontés à des situations problématiques autour de la religion. Par exemple, des jeunes filles qui ne veulent pas apparaître sur les photos de classe, ou alors des élèves qui refusent certaines activités pendant le ramadan. Insister sur le caractère laïque de nos sociétés modernes permettrait d’empêcher ce type de situations.

La France semble pourtant connaître plus de problèmes sur le sujet que la Suisse, bien que la première soit laïque et la seconde non.

Certes, mais le contexte est différent. La France a un passé colonial et a, de ce fait, importé des problématiques. Aussi, je pense qu’il existe chez nos voisins des forces islamistes très intéressées à fragiliser la paix sociale. L’exemple tout frais de l’abaya est un nouvel instrument de provocation, cette tenue n’étant pas un habit exigé par la religion mais par une société patriarcale, plus précisément celle de l’Arabie saoudite. En France, les filles qui portent ce vêtement à l’école ne le portent pas en dehors de l’enceinte. Il est donc nécessaire de faire la distinction entre l’espace public et l’espace privé. Chacun peut pratiquer sa religion comme il l’entend chez soi ou dans un lieu de culte. Dans l’espace public, il faut avoir un consensus pour que chacun soit sur un pied d’égalité. Prenons l’exemple du niqab (dont l’abaya n’est qu’une variante): l’islam ne demande pas aux femmes de cacher leurs visages et cela crée une relation de pouvoir entre les personnes dont on voit le visage et celles qu’on ne peut pas regarder. Je suis une féministe laïque et universaliste et je le resterai.

Ecrire à l’auteur: max.frei@leregardlibre.com

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