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D’un essentialisme à un autre: Zemmour dit merci aux woke4 minutes de lecture

par Le Regard Libre
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Zemmour dit merci aux woke (tribune de Claudio Recupero)

Le Regard Libre N° 83Claudio Recupero

Un courant né aux Etats-Unis est arrivé en Europe et s’est fait beaucoup connaître ces deux dernières années: le wokisme. Ce mouvement idéologique, littéralement «éveillé» à toutes les inégalités et les discriminations, fait de la défense de «minorités» – ethniques, religieuses, sexuelles… – son objectif absolu. Dans cette tribune, l’historien et professeur genevois Claudio Recupero critique les moyens utilisés par les woke pour atteindre leurs fins. Selon lui, ils sont contre-productifs et finissent par imiter ce qu’ils dénoncent.

L’obsession pour la défense radicale des minorités débouche, de manière perverse, sur la stigmatisation des «majoritaires» – «majoritaires» ou désignés comme tels par les sachants, celles et aussi ceux à qui on ne la fait pas. Détentrices et détenteurs de la vérité, ciseaux dans une main et gomme dans l’autre. Comme si être majoritaire ou catégorisé comme tel était désormais un péché… capital?

Outrance rime avec contre-productivité

Aujourd’hui, en ma qualité de baby-boomer blanc, européen et de sexe masculin, je coche beaucoup de cases dans ce curieux jeu dans l’air du temps. Ces tares congénitales font de moi, aux yeux de certains esprits éveillés, un disqualifié d’office, un destructeur de la planète, un phallocrate à l’esprit post-colonisateur coupable. Oui, coupable, car le wokisme ambiant fait de moi un suspect de naissance, avant même que je n’ouvre la bouche pour tenter un «mais». Et si je tente ce «mais», alors je signe ma reconnaissance de culpabilité, mes aveux.

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Pourtant, bien des causes défendues méritent de l’être et ont d’ailleurs mon soutien indéfectible (bon, sur l’égalité entre humains et phasmes il faudra encore me convaincre), mais la radicalité pataude et arrogante de certains esprits autoproclamés éveillés nuit aux causes qu’ils défendent.

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Des serpents qui se mordent la queue

Ceux-ci, en plus d’être contre-productifs, sont des serpents qui se mordent la queue: ils remplacent des inégalités, voire des injustices historiques, par des réquisitoires délétères et pour tout dire dangereux, qui ironiquement reprennent les mécanismes utilisés dans les phénomènes de discrimination historiques qu’ils dénoncent. On remplace le «normal, c’est un noir, une femme, un jeune, un babacool, etc.» par un «logique, c’est un blanc, un homme, un vieux, un catho, un omnivore, etc.».

Le pire dans tout cela, ce n’est pas la quasi-impossibilité de débattre qui résulte de ces intransigeances, car c’est malheureusement un signe des temps (vaccination, réchauffement climatique, etc.) et on s’y fait même si c’est fâcheux. Non. Le pire, c’est que le wokisme ambiant ouvre un boulevard à ceux qui prônent un genre de restauration, un retour au monde d’avant qui sent la crinoline et le collodion. Ridicules et sans avenir il y a encore dix ans, aujourd’hui plus personne ne se moque d’eux. Et si rien ne change, ils seront au pouvoir dans beaucoup moins que dix ans. Alors oui, dans son for intérieur, Zemmour doit dire merci aux woke.

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Montrons-nous un peu moins passifs

Chères lectrices et chers lecteurs qui vous étouffez peut-être en lisant ces quelques lignes, réveillez-vous! Déwokisez-vous, par exemple en acceptant de débattre sans m’accuser a priori de tous les maux, mais en usant de tous les mots qu’il vous plaira! Car oui, mon propos est critiquable, et heureusement.

Quant à celles et ceux qui ne se sont pas asphyxiés en me lisant et qui voient dans mon propos un reflet – même très imparfait – de ce qu’ils/elles pensent, montrons-nous un peu moins passifs et faisons acte de résistance (c’est-à-dire de débat) face à cette vague pavée parfois de bonnes intentions, voire de bienveillance… parfois, mais pas toujours!

Mon idéal: lutter ensemble pour un monde qui inclut sans exclure, qui explique sans effacer, qui résout sans découper, qui sauve sans diviser, qui débat sans excommunier. Il en va de notre cohésion sociale.

Formé en histoire générale et contemporaine à l’Université de Genève, Claudio Recupero est cinéaste et enseigne l’histoire au Collège Sismondi à Genève.

Crédit photo: © Miguel Bueno

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