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Critique

Fanny Ardant en transsexuelle dans «Lola Pater»4 minutes de lecture

par Jonas Follonier
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Zino (Tewfik Jallab) est un jeune homme d’origine algérienne. Suite à la mort de sa mère, il décide de partir à la recherche de son père perdu de vue vingt ans plus tôt. Quelle ne va pas être alors sa stupéfaction à l’heure des retrouvailles. Ce n’est pas un homme, mais une femme qu’est à présent son père. Signant son cinquième film, Nadir Moknèche a confié le rôle du personnage transsexuel à la délicate Fanny Ardant.

Une interprétation déconcertante

Le public comme la presse sont forcément divisés sur le fait que le héros transgenre de l’histoire ne soit pas incarné par une personne ayant vraiment vécu une telle opération. D’autant plus qu’avec Fanny Ardant, le réalisateur franco-algérien n’a pas choisi l’actrice la moins connue pour sa féminité. Toute une iconographie de femme sublime entoure celle qui s’est fait connaître dans des films comme Pédale douce ou Huit femmes.

Mais c’est là oublier que le choix du cinéaste a justement le mérite d’accorder de l’importance au jeu d’acteur et d’être cohérent avec son métier. C’est en effet dans l’essence même de la fiction que les personnages ne correspondent pas aux comédiens qui les incarnent. Lola Pater n’est pas un documentaire, n’en déplaise au journal Le Monde qui semble de plus en plus atteint d’une maladie qu’on pourrait qualifier de «réalisme aigu».

Fanny Ardant, dans les manières et l’élégance qui la caractérisent, interprète Lola, le père de Zino, de manière très intéressante, puisque débarrassée d’une volonté de «faire trans». Sa voix rauque et suave est un réel atout, mais pour le reste, l’actrice française se contente de jouer admirablement une femme qui s’affirme et qui veut reconquérir l’amour de son fils. Son passé d’homme, ce sont des détails qui vont le suggérer: les habillements, la démarche ou encore le maquillage.

La vie de Nadir Moknèche en arrière-plan

Derrière cette figure de «drôle de pater», Nadir Moknèche reconnaît s’être inspiré de son vécu pour écrire le scénario. Dans un entretien pour Télérama, le réalisateur raconte avoir connu personnellement plusieurs transsexuels au cours de sa vie. Ces personnes l’ont marqué à jamais: «Peu à peu, j’ai éprouvé une fascination pour ces personnes en lutte contre le monde entier, qui allaient jusqu’au bout – à la mort, parfois – pour imposer leur choix. Je me souviens d’un garçon avec qui je sortais en boîte qui me confiait tirer sur son pénis, pas pour s’exciter, mais pour l’arracher. S’en débarrasser à jamais…»

C’est surtout le rapport du cinéaste à la paternité qui dote Lola Pater d’une fibre autobiographique touchante: «J’ai perdu mon père à trois ans. Et je me suis toujours demandé si nous aurions été complices. S’il aurait approuvé mes choix de vie. De question en question, je me suis demandé: et si mon père n’était pas mort, si on m’avait menti, s’il était vivant, mais devenu quelqu’un d’autre, quelle serait ma réaction? Très vite, j’ai pensé que je l’aurais préféré vivant que mort. Vivant, en femme, que mort, en homme…»

Un film sur le thème de la filiation

Il est donc impératif de ne pas faire la lecture de ce film de la même manière que pour Transparent ou The Danish Girl. Loin d’être un récit sur les personnes trans, Lola Pater exploite avant tout le thème de la filiation. C’est le rapport du fils au père qui fait tout l’intérêt du film. D’abord voulu par le fils et craint par son paternel, ce lien va vite s’inverser, laissant place à un fils craintif et révolté contre un père aimant et assumé. La suite, c’est le film qui vous le dira.

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Thématique mise à part, la qualité du film en tant que tel s’abaisse indéniablement par plusieurs défauts cinématographiques, à commencer par le rythme des scènes et le manque de surprises. Comme l’écrit Le Figaro, c’est le scénario qui pose problème, pas les acteurs qui eux sont excellents: «Dommage que l’écriture du film reste faible et superficielle.» Il ne reste qu’à vous rendre dans les salles de cinéma pour vous faire votre propre opinion, et peut-être découvrir la part de féminin ou de masculin qu’il y a en vous.

Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com

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