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Films

Critique

«Rodéo», un premier film qui tient à peu près la route5 minutes de lecture

par Leïla Favre
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Rodéo © Les Films du Losange

Rodéo, premier long-métrage de Lola Quivoron, est sorti mardi 23 mai sur Canal+. Retour sur ce coup de cœur du jury du Festial de Cannes 2022, qui répond toutefois partiellement aux attentes du public.

Julia, jeune marginale, dévoue sa vie à la pratique de la moto. Un jour, elle rencontre un groupe de jeunes hommes qui s’adonnent au rodéo urbain. En intégrant le gang de motards, la jeune femme découvre ce milieu entièrement masculin et risqué.

Top dérapage

Contre toute attente, Rodéo n’est pas un film sur le rodéo urbain. Lola Quivoron se tient à distance des propos de son actrice principale Julie Ledru, jugés maladroits car défendant ce phénomène que le gouvernement français condamne. En réalité, cette pratique et son univers encadrent l’intrigue sans en être les sujets. Hormis quelques prestations au début du long-métrage, le cross bitume disparaît du récit. Le projet de la cinéaste se reçoit comme une volonté de porter la focale sur l’insertion et l’adaptation d’une femme dans un système a priori inabordable.

L’introduction de la protagoniste formule plutôt bien cette idée. Julia (Julie Ledru) performe les genres: elle construit puis donne à voir une expression de genre féminine en abordant les vendeurs de moto tout en affirmant le reste du temps, dans son ton, ses mots et ses gestes, sa part de masculinité. La jeune femme, qui se présente auprès des autres sous le pseudonyme «Inconnue», s’adapte aux espaces et aux individus.

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On note l’intéressante oscillation entre solidarité et méfiance des jeunes hommes envers Julia. Tantôt incluse, tantôt rejetée, la jeune femme ne s’avoue jamais vaincue et les rapports entretenus dans la bande ne cessent de se modifier. En dépit d’une faible caractérisation des personnages, l’énergie du groupe de comédiens est remarquable. Il est indispensable de saluer ici la direction d’acteur et le jeu. Il semble difficile de reproduire un tel dynamisme – qu’il s’ancre dans une joie extrême ou sous tension.

Le traitement de cette pression est l’un des problèmes majeurs de Rodéo. La façon dont la réalisatrice exprime la tension produite par l’arrivée de Julia au sein de la bande n’est jamais totalement complète. Les occasions de blessures, d’agressions ou d’incarcérations sont multiples, or ces moments laissent quelque peu de marbre. La raison est simple: le film offre peu d’idées de cadrage et de mise en scène. Lola Quivoron caractérise son film de «sur-naturaliste», assemblage de surréalisme et de naturalisme. Pourtant, un film proche du réel n’est pas nécessairement terne dans sa forme. On retient tout de même les plans en caméra-portée qui explicitent (trop) l’état d’effervescence de cette jeunesse. Le choix du format de l’image compense ce manque. L’écran panoramique donne une sensation de vitesse et d’élan très à propos lors des déplacements à moto.   

Lâcher la bride

Ces plans sur les deux roues mettent en avant une autre facette de Julia: son besoin vital de liberté. En infiltrant le gang, Julia s’émancipe des codes de genre, connaît l’adrénaline et ressent un véritable affranchissement au guidon de sa moto. La scène pré-générique expose au ralenti Julia conduisant une moto volée, riant les cheveux au vent sur un rythme post-reggaeton. Ce moment montre le paroxysme de la liberté selon la jeune femme. Un besoin qui s’incarne également dans le personnage d’Ophélie (Antonia Buresi), épouse de Domino (Sébastien Schroeder), chef du groupe qui tire les ficelles depuis sa cellule.

La relation entre les deux femmes est ambigüe; soutien, affection et attirance se confondent. Mais la nature de ce lien importe peu. En réalité, le film révèle la délivrance commune de ces femmes. Tandis que Julia, masse de colère pure, s’ouvre et se découvre au contact d’Ophélie, cette dernière, grâce à la jeune motarde, apprend à se détacher de son statut d’épouse docile.

Malgré les quelques allusions à l’étrange, suggérées par les rêves de Julia, le dénouement fantastique du film détonne. Rodéo peine à renouveler le traitement des thématiques qui animent les coming-of-age, comme le plus abouti Bande de fillede Céline Sciamma. Le jeu des interprètes – pour la plupart non-professionnels – ainsi que la bande originale restent des atouts qui n’ont pas pleinement été mis en valeur.

Ecrire à l’auteure: leila.favre@leregardlibre.com

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