Neuchâtel International Fantastic Film Festival – Jonas Follonier
Présenté en première suisse à la dix-huitième édition du NIFFF (Neuchâtel International Fantastic Film Festival), Mandy est le deuxième long-métrage du réalisateur George P. Cosmatos. Il met en scène un couple heureux, mais déjà bizarre, reclus dans une maison en bois au milieu d’une forêt: Red, un gaillard attendrissant (incarné par l’excellent Nicolas Cage) et Mandy, une femme qui rêvasse (interprétée par Andrea Riseborough). Vous la trouvez un peu «hippie», un peu «spirituelle»? Vous n’avez encore rien vu. Car les fous de Jésus qui vont soudain se pointer dans cet endroit reclus et brûler vive cette dernière sous les yeux de son conjoint sont d’un tout autre type.
Une esthétique psychédélique
Le film s’ouvre sur une introduction délicieuse, portée par un instrumental rock très soft par rapport à ce qui va suivre et une vue aérienne mouvante au-dessus d’une forêt, motif par excellence des films d’horreur. Or de film d’horreur, il n’est pas question ici. Mandy, on le comprend assez vite, est une expérimentation totalement borderline, qui se fonde avant tout sur une esthétique particulière. Couleurs rouges, lumière sombre, ralentis, ambiance Black Sabbath, rêveries et hallucinations, musique pink-floydienne signée Jóhann Jóhannsson (déjà le nom…!), Mandy est psychédélique de bout en bout.
Cette forme en dehors des marques engendre un film à côté de la plaque. Si l’atmosphère peut s’avérer intéressante, quoiqu’elle-même écœure à force de guitares électriques saturées et de réverbération dans les voix, l’intrigue en prend pour son grade. Point de frissons avec Mandy, mais du dégoût. Peut-être d’aucuns peuvent-ils y trouver de la jouissance. Après tout, il y a Baudelaire. N’empêche, même le sang semble parodique dans ce récit de vengeance qui se regarde comme une comédie.
Mystique contre psychotique
Il reste tout de même un élément important à sauver: si Mandy est un film de vengeance, il s’agit plus de son prétexte que de son propos. Le vrai thème de ce film, ce sont la drogue et le fanatisme. L’esthétique psychédélique à outrance prend alors tout son sens. La secte composée par les «méchants» de l’histoire est dépeinte de manière si excessive qu’elle nous ôte pour toujours la moindre envie de prendre du LSD ou de rejoindre une congrégation, quand bien même nous aurions une idée aussi sotte. Mandy, c’est la mise en lumière des dangers à la portée insoupçonnée que possède le mouvement hippie et des mouvances louches qu’il a suscitées.
Ainsi, le film peut nous inviter à adopter une posture de méfiance absolue envers la banalisation de la drogue et du spiritualisme que connaît notre époque. Or il ne faut pas tout mettre dans le même sac, me dira-t-on. J’ai envie de répondre que si. «Le psychotique se noie là où le mythique nage», voilà une très belle phrase tirée de la fin du film. La même eau sombre les relie, et passer de la nage à la noyade constitue un risque omniprésent.
Un même danger guette ce film: avec son délire visuel et auditif, Mandy risque de nous dégoûter non seulement des psychotropes hallucinogènes et des croyances irrationnelles, mais aussi du cinéma. A vous d’en juger, ce jeudi 12 juillet au NIFFF.
MANDY (George P. Cosmatos) – NIFFF – International competition | |||||
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Cotations : | F Fuyez ! | FF | FFF Frustrant | FFFF | FFFFF Fantastique ! |
Virginia Eufemi | |||||
Thierry Fivaz | FF | ||||
Jonas Follonier | FF | ||||
Hélène Lavoyer |
Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com
Crédit photo: © NIFFF