Les mercredis du cinéma – Nicolas Jutzet
Le film de Jennifer Yuh Nelson – connue pour être la réalisatrice de Kung Fu Panda 2 et 3 – est une science fiction. Dans un monde futur, les enfants et les adolescents se mettent à subir des transformations étranges qui obligent l’Etat, incarné par un Président qui souhaite réagir à la situation « en dehors de toute logique politique, il s’agit de nos enfants, de notre futur », à réagir. La situation est grave, même son propre fils est touché.
Résultat, les enfants sont casés dans des camps, voir exterminés si leur degré de dangerosité est jugé démesuré. Bel occasion de nous remémorer François Mitterrand : « Si la jeunesse n’a pas toujours raison, la société qui la méconnaît et qui la frappe a toujours tort ». On classe toute la relève par catégories colorées. Les rouges et les oranges sont trop dangereux ; l’Etat s’en débarrasse. Le reste est encadré, surveillé et violemment dirigé. Le virus qui circule octroie des pouvoirs psychiques variables aux enfants. Les descriptions du mal sont vagues. C’est une constante de ce film, malheureusement trop peu précis, qui navigue dans les approximations et les platitudes, sans jamais parvenir à en sortir.
Un scénario attendu – cousu de fil blanc
Dans le peau de l’héroïne, nous retrouvons Amandla Stenberg alias « Ruby Daly », une afro-américaine bien tendance. Elle à la chance d’être parmi les plus dangereuses, une « orange ». Grâce à son pouvoir, elle parvient à tromper la vigilance tant des médecins que des gardiens. Elle survit tant bien que mal dans ce milieu angoissant, se faisant passer pour une gentille verte, presque inoffensive. Finalement, elle fait la rencontre d’une aide salvatrice, Mandy Moore, Dr. Cate Connor qui lui propose de l’aider à sortir de cette prison à ciel ouvert, mais bien réelle. Chose faite, la jeune prodige, loin d’être un modèle de fidélité, s’échappe.
Elle rejoint un groupe d’enfants en fuite. Comme elle, ils possèdent, à des degrés différents, des pouvoirs magiques. Capables de déraciner des arbres ou encore de faire passer le courant un peu partout, la fine équipe est à la recherche de La Mecque des enfants maléfiques : le village des évadés. Sorte de camping écologiste, basée sur la permaculture, la vie dans des tentes et des soirées disco. Un Nuit debout sur fond de guerre civile. Un endroit rendu désirable par la situation de leur monde, c’est dire. Sur leur chemin, ils croisent la route de chasseurs de primes, de la Dr. Cate Connor et son mari et d’autres hostiles créatures. Rien n’y fait, rien ne les arrêtera, ils finissent par parvenir à l’Oasis. Rien n’est bien crédible, le monde semble tantôt terriblement inamical puis, terriblement léger. Plus rien ne fonctionne, sauf les pompes à essence, les supermarchés et les routes. Pas une seconde la réussite de leur mission est remise en question dans l’esprit du spectacteur.
L’entier n’est que succession de banalités, tant comportementales, que ce soit sur le plan amical ou affectif, que langagières. Entre les « peu importe les différences, je t’apprécie comme tu es » et autres « nous sommes une famille », on peine rapidement à prendre au sérieux cette épopée grotesque. Au final, l’impression d’assister à une vulgaire compilation d’un casting marketing outrancier ne quitte jamais le pauvre spectateur. Rajoutez-y les excès des scènes amoureuses, d’un caricatural, et vous arrivez à la conclusion qu’il est possible, au minimum, de mieux faire. Et surtout, que vous avez mieux à faire.
Ecrire à l’auteur : nicolas.jutzet@lereregardlibre.com
Crédit photo : © Twentieth Century Fox