Les mercredis du cinéma – Loris S. Musumeci
«Madame, il y a des moments de vérité dans la vie.»
Suzanne Viguier a disparu le 27 février 2000. Premier soupçon: Jacques Viguier, son mari. Le couple était en phase de séparation. Ce qui pousse l’amant de Suzanne, Olivier Durandet, à accuser Jacques. Après un premier emprisonnement de neuf mois, le mari soupçonné est relâché. Neuf ans plus tard, l’heure est au procès. C’est sur cette période-là que le film se concentre. Loin d’être un simple procès-verbal de l’affaire, Une intime conviction met en scène une star du barreau, Eric Dupont-Moretti, qui avait repris le cas, une femme obstinée, une famille déchirée, des témoignages douteux. Un procès kafkaïen, dans les affres de la justice.
Dupont-Moretti: un fascinant gros con
Olivier Gourmet incarne un avocat, et pas des moindres. Eric Dupont-Moretti est le personnage principal du film. A raison, car outre l’affaire et sa résolution, c’est la plaidoirie en elle-même qui occupe l’écran. Le spectateur n’attend que les envolées lyriques de l’avocat médiatique. Le film les rend bien; elles sont vibrantes. Si Olivier Gourmet est salué de toutes parts pour son interprétation, il faut constater qu’il y a un véritable fossé entre son jeu au tribunal et son jeu à l’extérieur. L’un est très bon, l’autre beaucoup moins. Trop lourd, faussement las, peu convaincant. Notez tout de même que le contraste entre les deux jeux de l’acteur traduit bien le vrai Dupont-Moretti: à la fois fascinant et gros con.
Marina Foïs est quant à elle beaucoup plus homogène dans son talent. Elle tient, tout le film durant, dans un rôle qui n’est pourtant pas facile. Nora, personnage fictif dans la mesure où il n’est pas intervenu dans le procès, ne fait pas un pli à la succession de ses fonctions, celles de mère, de cuisinière, de détective improvisée, d’assistante remarquable. La construction de son personnage lui-même découle d’une excellente initiative: alors que le film se veut en mise en scène du vrai, il invente un intervenant, pour se protéger peut-être, pour pimenter le film sûrement.
Nora tient en haleine toute l’enquête, qu’elle mène d’elle-même. Parce qu’après, peu importe au spectateur lambda de connaître la vérité sur Suzanne Viguier, d’autant plus qu’elle ne sera sans doute jamais élucidée. Ce qui intéresse, en revanche, ce sont les indices qu’elle découvre peu à peu, les masques qui tombent, les séances levées, les sourires tordus et les pleurs tout droit sortis du désespoir de juger sans savoir. De savoir sans être entendu. D’entendre sans pouvoir redire. De redire et être pris derechef pour un menteur.
Un souffle intime
Cinématographiquement, Antoine Raimbault emplit sa réalisation de détails qui donnent à Une intime conviction un souffle pour le moins intime. A commencer par la bande-son qui nous donne l’impression d’intégrer l’intimité des personnages, de leur pensées et de leur rythme cardiaque. Laissant penser à une horloge qui s’accélère, elle accroche le public aux plans qui se succèdent. Ceux-ci ont d’ailleurs leur propre jeu qui épouse à merveille la bande-son. On voit Nora courir du travail à son ordinateur, au tribunal, pour revenir à ses post-it, repasser en cuisine, sortir, conduire, fumer, sans oublier d’harceler Maître Dupont-Moretti. Je le répète, cette protagoniste est le rythme du film.
Les questions, voire les dilemmes, que posent habituellement les réalisations portant sur un sujet judiciaire ne sont pas en reste. Les preuves sont-elles maîtresses de toute une affaire? Peut-on détruire un homme sans avoir la certitude de sa culpabilité? Et surtout: le mensonge peut-il être au service de la vérité? La question est centrale dans Une intime conviction; on sent en effet le mensonge, mais on sent aussi qu’il n’est pas forcément malveillant. Sans compter que la psychologie humaine détient en son for encore trop de mystères.
«Vous aurez jugé, mais vous n’aurez pas rendu la justice.»
Ecrire à l’auteur: loris.musumeci@leregardlibre.com
Crédit photo: © Frenetic Films
UNE INTIME CONVICTION |
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France, Belgique, 2019 |
Réalisation: Antoine Raimbault |
Scénario: Antoine Raimbault, Isabelle Lazard |
Interprétation: Marina Foïs, Olivier Gourmet, Laurent Lucas, Jean Benguigui, François Fehner |
Production: UMedia, Delante Productions |
Distribution: Frenetic Films |
Durée: 1h50 |
Sortie: 13 février 2019 |