Le Regard Libre N° 82 – Jonas Follonier
Eh oui, nous sommes encore là. Mois après mois. Longtemps je me suis demandé combien de semaines cette aventure médiatique pourrait encore durer. Or, depuis un certain temps, les choses ont changé: je me demande plutôt comment diable nous pourrions avoir un jour l’idée de tout arrêter, tant cette perspective me paraît néfaste.
Bien sûr, chaque nouvel abonnement reste une victoire, notre structure demeure très modeste, nous ne roulons pas sur l’or, notre nom n’est guère connu dans les villes, vaux et villages… Mais plus nous avançons en âge, et plus mes collègues et moi, surtout les plus anciens, remarquons que la majeure partie de ce qui fait l’humilité de notre situation est la chose la plus précieuse que nous ayons. Le bénévolat, la soif de reconnaissance, la nécessité de se donner, d’y croire, une indépendance assimilable à la plus mélancolique des solitudes, voilà d’où nous le tirons, notre regard libre!
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En fait, j’ai un scoop pour vous: Le Regard Libre ne s’est jamais aussi bien porté. Et j’ai un deuxième scoop: chaque année, nous pouvons faire cette annonce, et ce en toute sincérité. C’est que nous poursuivons lentement, mais sûrement (à un rythme suisse, en somme), notre trajectoire d’alpiniste en équilibre. Avec quelques prises qui, sur le plan symbolique du moins, donnent l’impression de grimper plus vite que d’habitude: l’arrivée dans les librairies Payot en avril dernier, dans les kiosques en septembre…
Aujourd’hui, nous franchissons une nouvelle étape, encore une, avec le sourire des débuts plus les rides de l’expérience (lui donnant du style). Nos numéros deviennent thématiques. Avec quelques innovations graphiques. Et une pile de projets qui se déclineront dans les prochains mois et années. Voilà.
Quelle joie que celle de la progression. Je ne connais de meilleurs mots pour l’exprimer que ceux écrits par Bester Langs, rédacteur en chef de Gonzaï, dans le numéro spécial magazines, justement, à l’attention de tous ceux qui se diraient que se lancer dans l’aventure de l’imprimé est juste «un peu plus romanesque que d’ouvrir un compte Instagram»:
«C’est oublier qu’il faut être complètement con pour lancer un magazine papier. Qu’il faut savoir jongler avec tant d’emmerdes que même un CDI au cirque Pinder relève du hobby. Qu’il faut être à la fois visionnaire (savoir se planter en beauté), manager d’équipe (emmener plus de dix personnes dans une quête qui ne rendra personne riche), comptable (ne pas ouvrir les mails de relance de l’imprimeur), stratège (réécrire complètement l’article de quinze pages arrivé en plein bouclage, sans froisser l’égo de l’auteur) et maître des horloges (sortir son canard à peu près dans les temps). Et remettre ça toutes les semaines, tous les mois ou plus, selon le rythme de votre publication. Sans trop savoir qui vous lira, de l’autre côté du mur. Et pourtant, la conception d’un magazine papier, qu’il s’agisse d’un fanzine, d’un journal ou même de Télé Poche, s’avère être l’une des plus belles jouissances à vivre.»
Ecrire à l’auteur: jonas.follonier@leregardlibre.com
Dessin: © Nathanaël Schmid pour Le Regard Libre