François Forestier déterre les listes noires des Etats-Unis et de l’Union soviétique pendant la guerre froide. Au cœur de son roman, de la politique et des malfrats de la justice, le tout dans un style qui ne prend pas. L’idée était pourtant prometteuse.
A l’issue de la Seconde Guerre mondiale, les grandes nations sont à crans. La guerre froide s’insinue entre les Etats-Unis et l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), qui se regardent en chiens de faïence. Truman contre Staline, le libéralisme contre le communisme. Chacun veut préserver les valeurs qui ont fondé son Etat.
Une véritable angoisse, qui bientôt dégénérera en paranoïa, s’installe alors au sein de ces deux superpuissances. Il faut éliminer l’ennemi, quitte à poursuivre les concitoyens qui ne se conformeraient pas aux idéaux politiques défendus par le gouvernement. Des chasses à l’homme sont menées, incarnées par J. Parnell Thomas aux Etats-Unis et Andreï Vychinski en URSS. François Forestier s’est saisi de ces deux personnages pour les raconter dans Les Injusticiers.
Mot d’ordre du roman: des listes
Le roman s’ouvre justement sur la peur, sentiment qui peut inspirer les pires actes sous la menace d’une attaque. Parnell Thomas et Vychinski sont les hommes tout trouvés pour la combattre: névrosés et obsédés, ils sont prêts à tout pour défendre les idéaux de leur patrie. C’est ainsi que ces deux inquisiteurs de leur époque se décident à ouvrir des listes noires recensant les personnes qui n’entrent pas dans le cadre.
Alors que le premier traque les sympathisants du Parti communiste, le deuxième s’en prend à tout soviétique qui montrerait un signe d’opposition au Parti. Et si Parnell Thomas est un homme politique, président de la House of Un-American ActivitiesCommittee (HUAC), Vychinski est un homme de loi, procureur des procès de Moscou. Passée cette distinction, leur objectif est finalement le même: condamner au nom de la morale.
«Le coupable a été appréhendé, soumis à la vindicte populaire: il faisait partie de la fraction saine de l’Etat, mais il était pourri. Dans chaque innocent, il y a un criminel.»
Dans le texte, les points de vue entre les deux «injusticiers» s’échangent à toute allure. Cette frénésie se ressent dans l’écriture, alourdie par d’innombrables énumérations de noms de vedettes du cinéma qui ont été mises en examen ou de titres des films jugés subversifs. Ce bal de citations en devient, au fil des pages, parfaitement étourdissant et lassant. Le roman n’est pourtant pas en manque de personnages historiques passionnants, à l’image de Drew Pearson, célèbre journaliste américain pour qui le journalisme était une arme de contre-pouvoir.
En définitive, Les Injusticiers a le mérite de soulever un pan peu glorieux de l’histoire de l’après-guerre. Le roman ne tient cependant pas ses promesses: il effleure le sujet sans en extraire véritablement les mécanismes qui ont sous-tendu ces chasses aux sorcières. Un roman prometteur, qui tombe malheureusement à plat par son fil narratif entortillé.
Ecrire à l’auteure: chelsea.rolle@leregardlibre.com
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Les Injusticiers
François Forestier
Grasset
Octobre 2023
245 page